Sommeil et médecine générale

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Impatiences et jambes sans repos

"Pas de repos possible, je passe des nuits horribles
et je n’ai pas trouvé d’autre solution que de me lever alors que je tombe de sommeil...
Si seulement quelqu’un avait une solution miracle !."

lundi 12 février 2007, par guilhem

Les Impatiences nocturnes des membres inférieurs et les Mouvements périodiques de membres au cours du sommeil-, sont deux syndromes (souvent associées) assez fréquents (4–8%) qu’il faut savoir envisager dans le cadre de certaines insomnies assorties de somnolence diurne excessive.

Selon les récentes déclarations du ministre de la santé (Plan Action Sommeil, fév. 2007), ces syndromes toucheraient plus de deux millions de sujets en France.
Carence en fer, insomnie psycho-physiologique, insuffisance veineuse (varices), effet secondaire médicamenteux ou trouble de la dopamine ...?
Compte tenu de la médiatisation récente du SJSR, il y a lieu de bien en préciser les contours car le risque de confusion avec une insomnie simple ne doit pas conduire à des traitements intempestifs.

L’éventualité d’un syndrome de sevrage en rapport avec l’arrêt d’un médicament sédatif (type benzodiazépine) est un élément essentiel à prendre en compte dans le cadre du bilan diagnostique.

  • Syndrome des Jambes Sans Repos (SJSR) ou Restless Leg Syndrome - RLS).
  • Également dénommé "Syndrome d’impatience des membres inférieurs à l’éveil", le SJSR est une sensation désagréable (ou douloureuse) des jambes, survenant essentiellement le soir après quelques instants de repos et obligeant le sujet à bouger sans cesse.
    Lorsqu’il est sévère, ce syndrome d’inconfort est à l’origine d’une insuffisance chronique de sommeil et donc d’une somnolence diurne excessive" (voir plus bas).

    En 1672, déjà, Thomas Willis, (célèbre médecin Anglais précurseur de la neuropathologie), décrivait des malades "pas plus capables de dormir que si ils se trouvaient dans une chambre de torture".

    Cette maladie d’origine génétique, comme en témoigne la fréquence des formes familiales, concernerait 5 à 10 % de la population. Dans certaines famille elle touche plus de 50% des membres (hérédité autosomique dominante).

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    Le SJSR est, avant tout, un diagnostic qui se pose à l’interrogatoire.

    Il présente quatre caractéristiques nécessaires et suffisantes pour établir le diagnostic :

    1/. Intensité de désagréable à douloureux
    2/. Survenue en fin de journée ;
    3/. Provoquée par le repos ;
    4/. Calmé par le mouvement.
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    Bilan de sévérité du SJSR


    On utilise des questionnaires spécifique pour estimer le degré de sévérité du trouble (afin d’estimer l’intérêt d’un éventuel traitement médicamenteux) :

    - modéré, entre 11 et 20 ;
    - sévère, entre 21 et 30 ;
    - très sévère, entre 31 et 40 points.

    Lors des enregistrements poly-somnographiques du sommeil, il se manifeste simplement par un retard à l’endormissement chez un sujet qui "pédale" ou se tortille sous les draps sans parvenir à trouver le sommeil.
    Quand (finalement) il dort, on observe souvent son association avec un autre trouble moteur appelé "Mouvements Périodiques des Membres". (Cf Plus bas).

    Le SJSR se manifeste ou prédomine très spécifiquement en fin de journée. La plainte d’impatience en fin de nuit ou dès le matin est en faveur d’une insomnie simple.
    L’envie de bouger résulte d’une sensation de gêne d’intensité et de type très variables.
    Le sujet décrit des fourmillements, des secousses involontaires fréquentes, des mouvements de flexion par centaines, des picotements, des brûlures, démangeaisons ...
    Parfois, les douleurs sont insoutenables, pareilles à des nœuds que l’on ferait avec les jambes (à ne pas confondre avec les crampes),
    Ailleurs, ce sont des sensations d’eau qui coule le long des jambes ou d’insectes rampant sous la peau.

    Ces manifestations plus ou moins sévères du SJSR touchent surtout les membres inférieurs (mollets, cuisses ou chevilles) mais elles affectent aussi parfois les bras ou le bassin.

    Les symptômes apparaissent parfois quelques minutes ou heures après le début du repos (donc essentiellement la nuit et jamais le matin).
    Ils surviennent parfois plus précocement dès qu’il y a immobilité des jambes ou des bras comme en position assise prolongée. (Aller au cinéma ou encore conduire devient alors difficile).

    La douleur et les autres symptômes obligent le sujet à se lever pour marcher, ou encore se masser ou simplement remuer les jambes, ce qui retarde l’endormissement.
    À terme, cette privation de sommeil peut engendrer un problème de SDE (somnolence diurne excessive).

    Le SJSR est donc une des rares formes d’insomnie qui s’accompagne de somnolence objective
     [1].

    Nb. Voir les articles à propos du dépistage de la somnolence :
    - "Échelle d’Epworth" ;
    - "Somnolence diurne excessive" ;
    "Fatigue ou Somnolence". (la somnolence ne doit pas être confondue avec la fatigue).

    Traitement :

    • Traitement du SJSR "secondaire" (de cause connue).
      • Carence en Fer ?
        Le SJSR est parfois un signe d’appel d’une carence martiale (épuisement des réserves en fer) que met facilement en évidence l’analyse d’une prise de sang.
        Même des taux à la limite inférieure de la normale peuvent donner lieu à une prescription de complément alimentaire en fer car un déficit au niveau cérébral peut ne pas se dépister sur une simple prise de sang.
        Nb. Si la carence en fer sanguin est importante, il faut pratiquer un bilan complémentaire pour connaître l’origine de la "fuite" (ulcère intestinal, prise d’aspirine, fibrome utérin, ...).
      • Association à une maladie de Parkinson.
        Si la piste génétique demeure privilégiée, l’origine exacte du SJSR reste encore inconnue. On sait toutefois qu’il s’agit d’un trouble du métabolisme de la dopamine, substance élaborée par le cerveau et impliquée dans la Maladie de Parkinson (80% des malades parkinsoniens en souffriraient).
        Ce type de SJSR répond souvent très favorablement à un traitement dopaminergique adapté.
      • Les autres causes fréquentes :
        - La grossesse fait partie des causes d’apparition ou de recrudescence des impatiences (le diagnostic de trouble circulatoire est souvent posé par erreur).
        On observe une augmentation du risque en fonction du nombre de grossesse.
        - Le SJSR peut être associé à une autre pathologie.
        • Lors de la prise de certains médicaments (antidépresseurs +++, neuroleptiques, lithium).
        • Lors de situations médicales particulières ( insuffisance rénale, diabète, hyperthyroïdie, alcoolisme, polyarthrite rhumatoïde, ...).
        • Le stress ?
          Selon certaines publications, le SJSR pourrait apparaître dans les suites de chocs émotionnels, mais il est alors difficile de faire la part des choses entre un authentique SJSR débutant et un état d’énervement banal en rapport avec une insomnie réactionnelle simple.
          Ici, la prescription intempestive de sédatifs (benzodiazépine : lexomil°, xanax°, lysanxia°...) exposerait, au moment du sevrage, à un fort risque de recrudescence des symptômes. Ce phénomène dit "de rebond" constitue (bien souvent) le début d’un cercle vicieux qui aggrave l’insomnie et la nervosité.
          Il conviendra alors d’effectuer un arrêt très progressif sous couvert d’une parfaite hygiène du sommeil car il est illusoire de tenter un sevrage sans avoir préalablement appris à bien dormir par soit même.
          Lire l’article "Gestion personnelle de l’insomnie".

    • Traitement du SJSR "idiopathique" (de cause inconnue).
    • De nombreuses molécules sont apparues ces dernières années sur le marché et offrent des possibilités de soulagement réelles.
      Il faut prendre en compte le risque de rechute lors des tentatives d’arrêt. la réapparition de symptômes identiques mais survenant plus précocement dans la soirée ou l’après midi, constitue en soit, un élément important en faveur du diagnostic positif de vrai SJSR.
      - Le traitement fait souvent appel à des dose progressives de médicaments "dopaminergiques" (utilisés aussi pour la maladie de Parkinson ).
      Leur indication dépend du score d’intensité de la gêne qu’ils occasionnent (calculée sur un questionnaire dit "de sévérité"-Cf plus haut- ).
      Attention, il nous semble nécessaire d’insister ici sur l’importance de l’information des patients au sujet des risques d’intolérance et d’effets secondaires parfois induit par ces médicaments (troubles de la vigilance, de l’équilibre ou du comportement. Cf "Sexsomnies").

      - D’autres médicaments comme les benzodiazépines (Rivotril°), ou certains dérivés opiacés (Codéine, morphine) sont parfois nécessaires à condition de prendre en compte des risques de somnolence et de dépendance (rebond) lié à ces produits.
      - Certains anti-épileptiques (Gabapentine Neurontin°, Pregabaline Lyrica°) sont également utilisés dans certaines formes très invalidantes ou douloureuses.
      Ils sont parfois mal supportés et leur intérêt au long cours n’est pas démontré clairement.

      - Traitement non médicamenteux par thermothérapie rafraichissante ?
      Un système de climatisation du lit au moyen d’un sur-matelas relié à un petit dispositif électrique offre une alternative intéressante (et totalement inoffensive) aux traitements médicamenteux par un procédé naturel de circulation d’eau. (voir le lien en doc vers le site "ClimSom").
      Les études sont encore insuffisantes mais le refroidissement du lit semble apporter une amélioration tant pour la qualité de l’endormissement (Cf "Thermothérapie et sommeil"), que pour la plainte d’impatience qui est souvent associée aux problèmes d’insomnie et/ou de sevrage des somnifères.


    Conclusion

     :
    Un diagnostic difficile et deux pièges à éviter :
    Le diagnostic formel d’un SJSR est difficile car les signes d’un syndrome de sevrage aux tranquillisants (comme les benzodiazépines) sont très trompeurs. L’apparition de crampes et de tensions musculaires quelques semaines (ou mois) après leur interruption font parfois porter ce diagnostic par erreur.

    - Ces (pseudo ?) syndromes d’impatiences des jambes "liés au stress" sont voisins des syndromes d’hyperactivité et répondent bien à une réintroduction des sédatifs jusqu’à ce qu’une prise en charge cognitive et comportementale de l’insomnie permette dans un second temps, d’envisager un sevrage médicamenteux très progressif.

    - Les "toniques veineux", largement utilisés pour les jambes "lourdes" (malgré "l’absence d’efficacité démontrée"), sont dans ce cas, à l’origine d’un important retard de diagnostic. On estime qu’il existe un grand nombre de victimes du syndrome d’impatience des jambes parmis les patients qui consultent pour des problèmes présumés d’insuffisance veineuse.


  • Les mouvements périodiques des membres.
  • Les mouvements périodiques des membres se manifestent par la survenue de contraction régulières des jambes (ou parfois des bras) tout au long de la nuit.
    Ils sont bien repérés grâce aux capteurs que l’on place sur les muscles lors des enregistrements polysomnographiques, où ils sont souvent associés à une réaction de micro-éveil.

    En pratique, leur responsabilité dans la somnolence est souvent anecdotique.
    Lire la suite de l’article "Mouvements périodiques des membres".



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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1L’autre cas d’insomnie d’endormissement associé à une somnolence escessive est le syndrome de retard de phase, qui est un trouble fréquent chez l’adolescent.