Sommeil et médecine générale

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Paralysie et hallucinations du sommeil

Voyage astral ?... visite de "revenants" ?... sorcellerie ?... envahisseurs extraterrestres ?... apparition divine ?...
Les phénomènes hallucinatoires au cours du sommeil ne sont pas rares et donnent lieu à de multiples interprétations.

lundi 12 février 2007, par guilhem

Les sensations de paralysie au cours du sommeil (PS) sont des phénomènes communs souvent très angoissants car le sujet est réveillé sans pouvoir bouger au détour d’un rêve.
Cette angoisse est parfois majorée par la présence de distorsions hallucinatoires de l’environnement et surtout par la sensation d’être observé par une "présence inamicale voire hostile".

En général, la personne considère ces hallucinations comme des "cauchemars très bizarres" et ne pense pas à en parler à un médecin.
Les sciences d’interprétation des rêves donnent lieu quant à elles à des hypothèses pour la plupart assez fantaisistes (de par le biais qu’introduit le désir de comprendre à postériori).
Beaucoup de "croyances" traditionnelles ou religieuses reposent, sans le savoir, sur ces phénomènes troublants.

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Little Nemo et ses rêves agités


À l’instar des autres parasomnies, la sensation de paralysie au cours de la nuit (ISP, Isolated Sleep Paralysis) présente une forte prédisposition familiale d’origine génétique, mais les troubles surviennent avec prédilection en situation de fatigue ou de somnolence.
Cf. l’article sur les parasomnies.

NB : Les sensations de paralysie au cours du sommeil ne sont pas des rêves. Le rêve survient au cours du sommeil et laisse parfois un souvenir plus ou moins flou... au moment du réveil.
Voir l’article sur Le rêve, au plan somnologique...

Paralysie et hallucinations du sommeil.

« J’ai eu peur la nuit dernière. Je dormais seule.
J’ai été réveillée brusquement vers 3h du matin je crois avec la nette sensation que quelqu’un était là, mais ce n’était pas le cas. J’ai ressenti des tressaillements sur mes joues, comme un vent violent, et comme si on me plaquait avec 2 mains sur les épaules. Je ne pouvais plus bouger. J’ai l’impression que ça a duré 2 ou 3 minutes, et en 2 fois. Comme si on m’avait lâchée un instant.
Après, j’ai attendu, et puis j’ai senti que j’étais de nouveau seule. Et j’ai essayé de me rassurer en me disant que je rêvais, j’ai fini par me rendormir quand j’ai enfin réussi à ralentir les battements de mon cœur.
Mais je reste avec ce sentiment très étrange, je suis sûre que je ne rêvais pas, et je suis inquiète.
Mon mari n’était pas là, ce soir il dort à la maison. Çà me rassure un peu, mais je n’ose pas lui en parler. »

Voir sur le Forum public du site.

La sensation désagréable de ressentir une paralysie au cours du sommeil n’est pas exceptionnelle, mais elle ne donne lieu à une consultation que lorsqu’elle s’associe à une impression de « cauchemar » très angoissante et/ou qu’elle se répète fréquemment.
Dans notre expérience, beaucoup de sujets n’osent même pas se confier à leur entourage et vivent secrètement dans la hantise d’une nouvelle expérience.
Cela peut être l’origine de certaines formes d’insomnie.
 [1]
Le dormeur se sent parfaitement éveillé et lucide [2] mais il ne peut absolument ni crier, ni bouger (sauf les yeux et les muscles respiratoires). Son environnement semble habité par des « présences hostiles » dont il ressent parfois le contact physique de manière extrêmement réaliste.

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Dessin "neurobranché.com"


Cette sensation effrayante d’une « présence inamicale » est un élément très caractéristique des hallucinations du sommeil.
Parfois, cela se résume à une frayeur incontrôlée et inexpliquée avec impression d’être attaché au lit.
On décrit aussi tout un cortège de sensations auditives ou esthésiques (impression de contact sur la peau) très troublantes.


Selon l’époque et la culture, on y verra une manifestation de l’au-delà, de sorcellerie, d’extraterrestres, de présence divine ou d’expérience extra-corporelle de voyage astral.
Ces expériences très réalistes sont à l’origine de nombreux témoignages de la part de personnes "dignes de foi".
De nos jours, on y voit une explication de l’origine des fameux Incubes et Succubes (qu’on retrouve comme gargouilles des cathédrales), qui tourmentaient leurs victimes la nuit tels des démons libidineux.
La sorcellerie antillaise y fait référence au travers des histoires de Dorlis ou Soukouyan, ces Chiens Volants qui pénètrent les maisons la nuit pour en tourmenter (ou violer) les habitants.
Dans les vieux contes populaires Nord-Américains ou Canadiens, ce type d’hallucinations est connu comme la « Visite de la Vieille sorcière » (The Old Hag).

Interprétation somnologique

Les paralysies et hallucinations du sommeil correspondent à des brefs épisodes d’éveil dissocié avec mise en jeu prématurée (ou anormalement persistante) des mécanismes du sommeil paradoxal : abolition du tonus musculaire et présence d’une activité mentale qui construit un rêve à partir des zones émotionnelles et sensorielles du cerveau.

Il s’agit donc là d’un véritable rêve éveillé dont le contenu se distingue d’un simple rêve ou cauchemar, par l’aspect extrêmement précis et détaillé de son contenu.
Cette expérience est bien entendu généralement source d’anxiété, d’autant plus que le malade se heurte à l’incompréhension de son entourage et parfois du corps médical.

Bien que rarement évoqué spontanément, le phénomène est fréquent. 5 à 20% des sondés rapportent avoir déjà vécu au moins une fois une expérience troublante de ce type (notamment dans l’enfance).
Le plus souvent, il s’agit de formes bénignes et isolées (souvent familiales).

On note que la fréquence des crises est en relation avec le besoin de sommeil (fatigue et/ou somnolence).

Le sujet chez qui ces phénomènes sont familiers utilise des techniques pour essayer de se réveiller et "sortir" de cette sensation désagréable. Lorsqu’il ne dort pas seul, il demande à son conjoint de le réveiller en cas de respiration "haletante". Ce signal avec la respiration est le seul moyen de communiquer puisque les autres muscles sont paralysés comme dans le sommeil paradoxal.
D’autres fois, le sujet arrive à se "crisper" mentalement jusqu’à, dit il, parvenir à provoquer son réveil.
Parfois, la peur de s’endormir peut aboutir à une privation de sommeil, source d’un véritable cercle vicieux.

La recherche actuelle tend à mettre en avant l’origine génétique de ce trouble (de même que pour l’ensemble des autres parasomnies).
Sur ce terrain génétiquement prédisposé, les crises apparaissent ou sont plus fréquentes en situation de résistance à la fatigue.
Elles surviennent donc avec prédilection lors d’événements de vie stressants.
Elles sont plus fréquentes par exemple au détour de situations comme les déménagements, le deuil, les agressions, les retraites spirituelles, le jeûne etc., ce qui leur donne parfois une interprétation erronée mais qui prend sens dans la vie du sujet.

La prise en charge thérapeutique

L’abstention médicamenteuse est de règle.

En pratique, le simple fait d’expliquer le phénomène suffit souvent à en diminuer les conséquences.

Lorsque c’est nécessaire (rares formes invalidantes ?) on peut recourir à certains médicaments antidépresseurs dont on sait qu’ils diminuent la quantité de sommeil paradoxal.
La prévention repose sur les mesures d’hygiène du sommeil appropriées pour adapter le rythme de vie aux contraintes chronobiologiques du sujet.
Voir "Quel dormeur êtes-vous donc ?".
S’il est admis que des prédispositions génétiques sont en cause dans les parasomnies, elles se révèlent à l’occasion d’événements de vie anxiogènes.
D’un autre côté, une fragilité émotionnelle préalable majorera d’autant plus l’angoisse provoquée par les paralysies.
Ce cercle vicieux est très accessible aux thérapies cognitives et aux techniques de relaxation.
Voir l’article sur les techniques de relaxation.

Quelques remarques :

  • Le réalisme des situations que vit le sujet qui est éveillé durant son sommeil paradoxal est très similaire à cette sensation étrange qui porte, des deux côtés de l’Atlantique, le nom de "Déjà-Vu".
    Voir aussi l’article : "Rêve et Sommeil"
    Cette sensation fugace d’avoir déjà vécu une scène "dans un autre passé" survient très souvent dans un contexte de manque aigu de sommeil (nuits blanches).
    Le "Déja-Vu" (que les scientifiques appellent ecmnésie), cette curiosité des circuits neuronaux (analogue à un court circuit, où l’information transite par les zones de la mémoire avant de parvenir à la conscience) pourrait être, là aussi, à l’origine de nombreuses croyances mystiques sur la réincarnation ...
  • Les paralysies du sommeil peuvent êtres associées à une maladie du sommeil comme la narcolepsie (ou maladie de Gélineau).
    Ils faut chercher la notion de crises de somnolence excessive ou de lâcher d’objet, plus ou moins associées à des chutes.
    Ces troubles orientent le diagnostic vers une narcolepsie avec ou sans cataplexie. Leur évocation (typiquement à l’occasion d’une émotion) lors de l’interrogatoire du sujet ou de ses proches impose un enregistrement du sommeil.
    Voir l’article Narcolepsie Cataplexie, une maladie à la fois génétique et immunologique du sommeil dans laquelle ces hallucinations sont une des caractéristiques très fréquentes.
  • Les paralysies avec hallucinations au cours du sommeil ne doivent pas êtres prises pour de simples cauchemars.
    Le cauchemar classique est le récit rapporté à partir du souvenir éveillé, plus ou moins imprécis, d’une période de sommeil paradoxal précédant l’éveil. Son contenu est surtout chargé d’émotions mais reste flou (alors que les hallucinations surviennent, elles, pendant une phase d’éveil et de lucidité complète).

    Voir l’article : "Parasomnies"
  • Les hallucinations de l’endormissement sont de brèves et fugaces sensations sensorielles qui surviennent au cours du sommeil lent léger.
    On rapporte des sursauts de l’endormissement, les sensations de chutes, d’éclairs, de bruits ou de déformation du corps.
    On les rencontre fréquemment (surtout chez l’enfant) mais elles ne motivent que rarement en tant que telles une consultation.
    On distingue traditionnellement l’hallucination « hypnagogique » (immédiatement avant l’endormissement) et « hypnopompique » (au cours d’un réveil intra-sommeil).

    Elles peuvent donner lieu à des réactions émotionnelles de peur qui réactivent l’éveil et retardent l’endormissement.
    Dans certains contextes elles peuvent conduire à un tableau proche de la Spasmophilie, avec sensation de danger de mort imminent.

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    Preuve expérimentale du rève conscient
  • Le phénomène de "rêve conscient" n’est pas exceptionnel et se distingue du "rêve éveillé" que sont les paralysies avec hallucinations.
    Ici le sujet "sait" qu’il est en train de dormir et de rêver : On a prouvé par des expériences sous enregistrement EEG qu’il est capable de communiquer avec des codes effectués par des mouvements des yeux ou de la respiration, et de se rappeler au réveil de l’avoir fait durant son rêve.
    Voir le lien en bas de page : l’art de diriger ses rêves (Stephen LaBerge Science et Avenir Hors-Série Le Rêve Dec. 96).



Voir les articles connexes sur le site.
- Le rêve, ce qu’il faut en savoir sur le plan somnologique...
- Les sexsomnies, somnambulisme sexuel ou trouble du comportement au cours du rêve ?
- Les Parasomnies, cauchemars, terreurs nocturnes et pipi au lit...
- Troubles du comportement en sommeil paradoxal. "Durant mes rêves, je crie et je bouge tellement fort que je fais peur au voisinage".


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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1Lorsqu’elles se répètent, elles peuvent donner lieu à un retard volontaire du moment de l’endormissement et une somnolence excessive par privation de sommeil. Il s’agit d’ailleurs d’une des rares formes d’insomnies associées à une somnolence diurne excessive par privation de sommeil. En règle générale, la majorité des insomnies s’accompagnent d’une absence de somnolence diurne.

[2Il ne faut pas confondre les hallucinations du sommeil avec les rêves qui surviennent pendant le sommeil. Le rêve est un souvenir au moment du réveil d’une situation vécue pendant le sommeil.
Le phénomène dit de "rêve conscient" est un rêve durant lequel le sujet sait qu’il dort mais peut "s’amuser" à intervenir volontairement sur le contenu de son rêve. (Il peut réaliser ainsi de véritables "voyages au pays de rêves"). Certaines expériences scientifiques ont prouvé l’existence de cette capacité hors du commun, probablement plus fréquente chez l’enfant avant la puberté.