Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Thermothérapie et sommeil

La température du corps est le reflet de l’horloge du sommeil.
La somnolence varie donc selon la température du corps.

, par guilhem

La température est le reflet de l’horloge du sommeil.
La thermothérapie est l’utilisation thérapeutique de la chaleur.
Il est possible de mettre en application les connaissances sur les relations de la température du corps avec le niveau de vigilance.
La température interne conditionne les périodes de sommeil et d’éveil. À ce titre, la chaleur est un somnicament (un médicament naturel du sommeil) qui peut aider à influencer les horloges biologiques afin d’améliorer les performances.
Nous présentons ici quelques conseils destinés à optimiser l’efficacité du sommeil, c’est-à-dire à dormir mieux et par conséquent, dormir peu et vivre mieux...


Les besoins énergétiques d’un individu (quantité d’aliments consommée) varient beaucoup en fonction des conditions extérieures : environ 2000 cal/j pour une personne sédentaire en milieux tempéré contre 6000 cal/j pour un explorateur polaire.
De la même façon, la durée idéale du sommeil pour un individu donné dépend donc autant de son patrimoine génétique que de ses conditions de vie.
- L’équipement génétique détermine le chronotype de base : court ou long dormeur, du matin ou du soir, et souple ou rigide (Cf."Déterminez votre chronotype).
- Les conditions de vie modulent la pression de sommeil selon que l’on soit actif ou sédentaire, détendu ou préoccupé, en hiver ou en été, amoureux ou malheureux (etc...).

Par ailleurs, Il faut bien différentier le rythme de sommeil (essentiellement nocturne pour tous les humains) et le besoin de sommeil.
- le rythme du sommeil est régulé par l’intermédiaire des "donneurs de temps" qui sont principalement la lumière, la température corporelle et l’heure des repas ;
- et le besoin de sommeil (quantité et qualité) est modifié par la durée de l’éveil, et par le niveau de dépense énergétique imposé par l’environnement (stress et activité physique essentiellement).


Au cours des 24 heures, les variations de la vigilance sont étroitement liées aux modifications de la température du corps.
Nous savons que la somnolence, (la capacité à dormir) est maximale à certaines périodes de la journée, qui correspondent à un refroidissement (le soir après 22 h environ, et vers 14 h).
Inversement, les performances physiques et intellectuelles sont optimales lors du maximum thermique en fin de matinée (après 10h) et surtout en fin d’après-midi (vers 20h).

Bien noter ici que le creux thermique du début d’après-midi (qui reflète la baisse physiologique de la vigilance) favorise la sieste "post prandiale". On remarque inversement, l’impact du sport sur la température (voir l’article . "Sport et Sommeil").

Cependant, même si les courbes de la température et de la vigilance sont superposables, il existe des différences en fonction des caractéristiques génétiques qui définissent la typologie circadienne de l’individu :

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Cycle de la mélatonine et du cortisol au cours des 24h (Touitou et col. 1984)


selon que le sujet est matinal ou vespéral , ces deux courbes sont légèrement décalées l’une par rapport à l’autre, vers l’avant ou l’arrière. (Voir le test interactif du site "Déterminez votre chronotype).
Ces différences individuelles sont parfaitement objectivables sur les courbes d’une hormone, la mélatonine qui est un marqueur biologique du rythme du sommeil.

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Typologie vespérale ou matinale et horaire moyen du pic de mélatonine nocturne
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Thermothérapie "traditionnelle" ?...

Il est établi que l’organisme modifie activement la température du corps et de la peau en fin de journée et favorise ainsi la survenue du sommeil.
Si le visage, les pieds et les mains sont chauds le soir, on s’endort rapidement car cela favorise une perte rapide de température (c’est essentiellement par les extrémités du corps que s’évacue la chaleur du corps).
A l’inverse, si ces régions sont trop froides la température interne reste élevée et cela peut retarder l’endormissement.


La thermothérapie consiste donc à essayer d’agir sur la température du corps de manière à mettre en synergie les facteurs thermodynamiques responsables de la pression de sommeil.


Voir l’article "Savoir dormir : chronobiologie du sommeil".

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Les bases scientifiques du bain de pied :
L’augmentation du gradient de température entre les extrémités (distales) et le cerveau réduit le délai d’endormissement

L’efficacité de la chaleur est démontrée dans le traitement des décalages de phases du sommeil : la pratique d’une marche sur tapis roulant associée à la luminothérapie permet, par exemple de mieux compenser les décalages horaires (Cf. "jetlag").

Nb, cette relation entre le niveau de performance et la température du corps sont aussi au centre des protocoles d’entraînement du sportif de haut niveau. [1] (Cf. les articles du site : Sport et sommeil" et "Chronobiologie et performances").

Un prototype visant à étudier l’efficacité de vêtement capables de favoriser le refroidissement cutané chez les sportifs a donné des résultats très encourageants lors des derniers jeux olympiques en Chine (Cf. le « ice T-shirt ». © V-Therm) [2].

Une interprétation chrono-biologique du syndrome prémenstruel ?
Cette influence de la température sur le sommeil donne une explication physio-pathologique de la fatigue observées chez certaines femmes autour de la période des règles.
On sait (depuis les observations de deux gynécologues : le japonais Kyusaku Ogino et l’autrichien Hermann Knaus), que la température centrale varie environ d’un degré en fonction des variations hormonale liées au cycle ovarien (l’observation des courbes ménothermiques servaient de base à la méthode "Ogino-Knaus" pour le contrôle des naissances).


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Baisse de la température à l’approche des règles, à l’origine de la méthode Ogino
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La contraception d’avant la pilule...

Ainsi, selon nous, les migraines "dites "cataméniales" lorsqu’elles surviennent à l’occasion des règles (que l’on rattache -sans trop savoir exactement pourquoi- à une baisse des œstrogènes), sont le témoin d’une baisse d’efficacité du sommeil qui peut donc se manifester tous les mois (sur un terrain somnologique favorisant).
Nb. la période charnière de la péri-ménopause est souvent marquée par des perturbations de type bouffées de chaleur qui sont dues à un déséquilibre de ce "climat" hormonal. Elles répondent favorablement à la prise d’un traitement à base d’œstrogène, mais dans notre expérience, il est illusoire de compter sur un traitement de substitution à seule fin de guérir l’insomnie.

On peut donc déduire de ce qui précède l’intérêt de la thermothérapie dans la prise en charge des perturbations des horloges chronobiologiques, qui se traduisent par de la fatigue et des troubles fonctionnels (Cf "syndrome d’hyposommeil".
C’est notamment un somnicament très intéressant (mais pas assez utilisé) pour le Syndrome de fatigue chronique ou la Fibromyalgie.

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Température et vigilance

Dans la journée, il faut essayer de favoriser la production de chaleur :

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Baisse nocturne de la température corporelle (D’après la Revue Veille-sommeil N°15)


Le sport est un somnicament de thermothérapie, parce que 80% de l’effort musculaire est transformé en chaleur.
De nombreuses études cliniques ont confirmé l’idée commune selon laquelle le sport améliorait globalement le sommeil (surtout en ondes lentes) ;
En cas d’impossibilité ou en complément à l’exercice physique, on peut préconiser le réchauffement externe du corps par les lampes chauffantes à infra-rouge, le bain chaud prolongé, sauna, hammam... (les cures thermales remplissent d’ailleurs souvent cette fonction...).
Dans les pathologies en rapport avec la fatigue, les massages et la kinésithérapie favorisent la reprises progressive de l’entraînement.

Voir également l’article sur les autres "Somnicaments"
Les horaires des repas et l’exposition à la lumière extérieure sont des "donneurs de temps" qui synchronisent l’horloge interne. On les utilise déjà par exemple, pour la prise en charge des troubles du sommeil chez l’enfant et le nourrisson.

Le soir, il faut favoriser la chute de la température du corps :

C’est pour cela qu’il est recommandé de se coucher dans un lit frais et de sortir du lit lorsqu’on a trop chaud.
Nb :Toute personne qui "cherche le sommeil" adopte spontanément des comportements destinés à refroidir le cerveau (comme retourner l’oreiller du côté le plus frais ou sortir les pieds hors du lit).
Il peut être également utile de rafraîchir le corps le soir par un bain ou une douche tiède.
De même, la respiration d’un air frais (en se couchant dans une pièce fraîche, ou en allant respirer quelques temps à la fenêtre), est favorable à l’endormissement.
Nb. Le refroidissement du matelas avec un drap climatisé peut être une méthode innovante très intéressante.

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Modification physiologiques avant l’endormissement

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Le traditionnel verre de lait froid, qui fait partie des conseils de « bonne fame », trouve là sa justification alors que son intérêt réel dans la prise en charge de l’insomnie n’est pas confirmé. Bien que certaines publications évoquent l’effet du tryptophane (acide aminé précurseur de la mélatonine) qui est présent dans les laitages comme favorisant la synthèse de la mélatonine , il est, en réalité, surtout important que le lait soit froid (sic).
Il y a quelques années, on pensait aussi que la prise de mélatonine orale permettrait d’agir efficacement sur le rythme du sommeil en abaissant la température corporelle, mais de nos jours, les résultats sont peu concluants.
Nb. Le Circadin* est une mélatonine de synthèse (prise orale) qui a récemment reçu en 2007 en France une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché). Selon la notice, ce produit est "utilisé dans" les troubles d’endormissement chez la personne âgée au delà de 55 ans dans le cadre d’un protocole de sevrage des somnifères".
Des molécules plus prometteuses (?) : les analogues aux récepteurs cérébraux de la mélatonine pourraient arriver sur le marché pour le traitement de l’insomnie et de certaines dépressions. À suivre...
Le rameltéon, analogue de la mélatonine, est commercialisé comme hypnotique dans certains pays, dont les USA.
L’agomélatine, est un analogue structural de la mélatonine ayant un effet antidépresseur et sédatif en prise unique quotidienne, le soir au coucher. C’est un agoniste des récepteurs MT1 et MT2 de la mélatonine et un antagoniste des récepteurs 5HT2C de la sérotonine. L’agomélatine, n’a pas d’AMM en France pour le moment. (Voir http://www.pharmacorama.com).

En pratique

La survenue de la somnolence est conditionnée à une baisse de la température cérébrale, qui chute à partir de 21 heures jusqu’à un niveau minimum au milieu de la nuit.

Il faut donc essayer de favoriser l’éveil par la production de chaleur (sport, hamam, bain chaud) tôt le matin et surtout en fin d’après midi (17h-20h).
Il faut donc essayer de favoriser la venue de la somnolence et du "bon sommeil" à ondes lentes par la défervescence thermique vers 22-24 h (bain frais, glaçons, paracétamol, climatisation).

Nb. Il est frappant d’observer que les personnes insomniaques présentent souvent des perturbation de la régulation thermique, à type de frilosité en fin de journée, et/ou de bouffées de chaleur ou de sueurs inexpliquées la nuit. Cela pourrait traduire une désynchronisation interne analogue à ce qui se voit dans les décalage horaires liés aux voyages (Cf Jetlag).

Selon nous, ces notions de chronobiologie son indispensables à la prise en charge des insomnies (Cf."Vouloir dormir").

Toutes les études confirment que l’exercice physique pratiqué très tôt le matin (vers 5h) favorise une avance de phase de l’endormissement. Cela peut s’appliquer aux personnes qui n’arrivent pas à s’endormir le soir.
Inversement, le sport, pratiqué très tard le soir, entraîne un retard à l’endormissement.
L’exercice physique est utilisé dans le traitement des troubles du sommeil par avance ou retard de phase.
Les résultats peuvent s’étaler sur plusieurs jours, compte tenu de l’inertie parfois importante du système.
Voir l’article "Chronobiologie du sommeil" : l’horloge et le sablier.

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Effet de réponse en phase des somnicaments
(contact sociaux, repas, lumière, et sport)

Au total :

La chaleur corporelle est un des synchroniseurs du sommeil.
Il faut savoir l’associer aux autres "somnicaments" (tels que le rythme des repas, la vie sociale, etc), qui se potentialisent mutuellement.
L’exposition à la lumière exerce ici un effet synergique avec la chaleur.
Voir l’article "Les somnicaments" : comment agir sur son horloge biologique.
Voir l’article "Sommeil et sport".

Dernière remarque...

Influence de la température nocturne sur le risque d’accident de la circulation, et notamment chez les jeunes conducteurs : un projet de l’association ProSmg.

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CONDUITE DE NUIT ?
"Noctambule pas Somnambule.
La somnolence menace, mon copilote fait le guet"

Il est extrêmement dangereux de prendre seul le volant après 2h du matin car à cette heure là, la pression chronobiologique de sommeil est telle que le conducteur risque de s’endormir brutalement.
 [3]


Cf. L’étude 1999/2003 : Accidentologie de nuit des jeunes de 18 à 25 ans en Picardie. "En ligne droite, il s’endort au volant et sort de la route sans aucune réaction. Il termine sa course sur un obstacle fixe (arbre, poteau, talus…) ou vient percuter un usager circulant en sens inverse."


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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1Une étude récente démontre, par exemple, l’intérêt de consommer une boisson fraiche pendant l’effort : une équipe de l’université de Loughborough a étudié l’impact de la température de la boisson ingérée pendant l’effort sur la performance sportive. Pour cela, lors de 2 sessions, 8 cyclistes ont pédalé à une puissance moyenne jusqu’à épuisement en ingérant la même boisson, à différentes températures. La durée d’exercice a été significativement plus longue (+23 % environ) lorsque la boisson était ingérée froide (4°C) par rapport à la même boisson ingérée chaude (37 °C).
(Sources : Lee JK, Shirreffs SM, Maughan RJ. Cold Drink Ingestion Improves Exercise Endurance Capacity in the Heat. Med Sci Sports Exerc. 2008 Aug 5).

[2« Le « ice T-shirt » est adapté aux contraintes sportives car il anticipe l’augmentation de la chaleur en intégrant des accumulateurs thermiques, sous forme de gel, qui peuvent restituer le froid accumulé pendant deux heures. De nouveaux tests en laboratoire ont montré des gains de performances de 8 à 10 % » précise Alain Groslambert, enseignant chercheur à l’UFR STAPS de Besançon.

[3Chez les jeunes de 18 à 24 ans, les premières années de conduite automobile entraînent de nombreux accidents. Ils représentent 9 % de la population, mais 21 % des personnes tuées sur la route. L’alcool est en cause pour un tiers des accidents mortels. Plus de la moitié des décès a lieu en fin de semaine et 63 % ont lieu la nuit. Près de 80 % des jeunes de moins de 24 ans tués sur la route sont de sexe masculin.
Source Ouest-France, la-route-tue-30-jeunes-chaque-semaine.