Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Gestion personnelle de l’insomnie

La meilleure façon de résister à la tentation c’est d’y céder !
J’aime mieux avoir des remords qu’avoir des regrets."

Oscar Wilde, 1891

dimanche 31 décembre 2006, par guilhem

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Comment gérer le problème ?

En prenant un traitement ?

Premier réflexe, mais pas le meilleur...

En réalité, les somnifères n’agissent que sur la conscience des événements.

  • Leur effet amnésiant ne s’exerce que sur le souvenir et la perception des épisodes d’éveil nocturnes
  • L’effet anxiolytique de ces produits minimise les sentiments éveillants qui contribuent à prolonger la durée des éveils (la motivation, la colère et la peur, voir plus bas).

Ce phénomène explique pourquoi certaines personnes continuent à utiliser les mêmes médicaments pendant des années alors que toutes les études confirment l’épuisement de leur effet.

La plupart des médicaments utilisés pour dormir présentent cependant plusieurs inconvénients :

  • Le mauvais dormeur acquiert progressivement la conviction qu’il est incapable de dormir sans l’aide d’un produit, même "léger" (là où le bon dormeur se couche en confiance).

    Ce sentiment de défiance et d’impuissance vis-à-vis du sommeil (qui s’acquiert parfois dès l’enfance) est au cœur des mécanismes de l’insomnie.
  • Ils masquent les signaux naturels du sommeil et, de fait, aggravent le handicap de celui qui ne "sait plus ce que c’est que d’avoir sommeil le soir".
  • L’augmentation de la durée du sommeil se fait au détriment de sa qualité (avec disparition du sommeil lent profond).
  • Les somnifères perdent très rapidement de leur efficacité même quand ils ne sont pas utilisés toutes les nuits.
  • Ils occasionnent des effets secondaires dans la nuit (somnambulisme, confusion ...) et durant la journée (somnolence, fatigue, bouche sèche, vertiges...).
  • Ils sont responsables de troubles de l’attention et de la mémoire.
  • Chez le sujet âgé, ils favorisent les troubles de l’équilibre et les chutes.
  • Ils sont contre-indiqués en cas de suspicion d’apnées du sommeil.
  • Leur implication dans les accidents du travail ou de la circulation est probable.

Une publicité abusive...


Les publicités des laboratoires de somnifères (destinées aux prescripteurs) affichent souvent de "bons résultats" et des indices de satisfaction élevés qui sont issus d’études en partie tronquées.
En réalité, chez les volontaires testés (recrutés parfois au sein d’une population d’insomniaques chroniques), le raccourcissement des délais d’endormissement ou de la durée des éveils enregistrés au début du traitement ne persiste jamais au-delà de quelques semaines de prise.


Ces résultats n’ont pas le droit d’être publiés en France parce que la durée maximale de prescription "légale" est limitée à 4 semaines.

Dans les faits, les courbes des ventes montrent que la prescription de ces produits est souvent renouvelée durant des années.


Les tentatives de sevrage se heurtent au problème de la dépendance physique et psychique.
La dépendance pharmacologique est très forte. C’est généralement l’insomnie de rebond, qui consiste en une aggravation temporaire des difficultés de sommeil après l’arrêt du somnifère. Certains symptômes de sevrage peuvent perdurer jusqu’à plusieurs mois (voire années) après l’arrêt. La dépendance est due au mécanisme d’action et à la forte concentration dans le cerveau des "neurotropes" (Cf "Les Benzodiazépines, comment s’en sevrer" sur la page des liens externes).

Comme pour toute toxicomanie, les phénomènes de tolérance, d’accoutumance et de dépendance exercent un effet très néfaste sur l’individu, et ce, précisément au moment où il prend conscience de son problème.
L’insomnie de rebond incite l’insomniaque à revenir à ses médicaments et cet échec personnel renforce son sentiment d’impuissance. On est alors dans la dépendance psychique.

Le cercle vicieux des somnifères

  • Vouloir dormir -> satisfaction de l’efficacité du somnifère ->
  • Tolérance -> augmentation des doses ->
  • Acoutumance -> mise en échec ->
  • Tentative d’arrêt -> insomnie de rebond ->
  • Retour a un somnifère "plus fort"-> dépendance psychique et physique.

    Certaines associations de malades se retournent parfois contre le prescripteur initial. (cf lien benzo.org.uk)

    Quand ces médicaments peuvent-ils donc être utilisés ?

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    Pas sommeil
    • À court terme pour une insomnie récente ? Afin d’éviter le passage à la chronicité ?
      PEUT-ÊTRE ... MAIS... très discutable (cf plus haut)
    • Face à une insomnie aiguë résultant de stress sévères (décès d’un proche, opération...) ?
      PEUT-ËTRE ... MAIS... au cas par cas... (ici ils anesthésient la douleur mais cela retarde parfois le travail de deuil)
    • Dans le cas de décalage horaire ?
      POURQUOI PAS, pour renforcer l’efficacité des "donneurs de temp" tels que la lumière, les repas... mais il ne faudra pas pour autant négliger l’inertie du système qui prendra plusieurs semaines à s’accorder aux "donneurs de temps".
    • Dans le cas de difficultés chroniques de sommeil ?
      OUI, mais dans une dynamique de sevrage. Pour aider à briser le cercle vicieux de l’insomnie et de l’anxiété, avec en appui, un traitement qui vise principalement à changer les croyances et les comportements et qui privilégie la gestion personnelle du problème.
    • OUI, lorsque la dépendance est déjà probable !

    Attention ! ll ne faut jamais arrêter brutalement les tranquillisants ou les somnifères.

    Deux conditions déterminent les chances de succès d’un sevrage :

    • le malade doit avoir fait évoluer certaines de ses croyances quant aux causes de ses insomnies ; il doit apprendre à "penser différemment" de manière à comprendre son sommeil et à reprendre confiance dans ses capacités à en prendre le contrôle.
    • le programme de sevrage doit être extrêmement progressif à cause des phénomènes de dépendance pharmacologique qui peuvent être très longs.

    La gestion personnelle : prendre le contrôle de sa destinée.


    - L’approche est orientée de manière à aider le sujet à reprendre le contrôle de ses nuits par la gestion personnelle. Le malade n’est plus une victime qui nourrit de vains regrets, mais un gestionnaire de son sommeil qui apprend à se sentir responsable de sa propre destinée.


    - Le but ne sera pas de guérir toutes les insomnies, puisqu’une mauvaise nuit de sommeil est normale (voire salutaire) de temps en temps.

    - Le programme doit aider à diminuer les conséquences de difficultés qui demeuront probablement en partie. Un insomniaque guéri est un mauvais dormeur qui a appris à ne plus en faire un problème.


    L’insomniaque a appris à utiliser des réserves insoupçonnables pour un bon dormeur (comme par exemple, de faire du vélo à une seule roue). L’organisme peut à tout moment se souvenir et se servir de ses nouvelles compétences.

    Principes de base de l’autogestion du sommeil.

    • L’engagement et l’effort

      Ce programme exige quelques efforts et un peu de discipline.
      Les procédures et les consignes doivent rester très simples et directes mais l’application de tout le programme est la clé du succès.

      Engagement dans le temps : tout dépend de la durée et de la sévérité du problème de sommeil, de la présence de problèmes physiques et psychologiques et surtout de la motivation du malade.
      L’insomnie est l’aboutissement d’un long processus qui prend racine bien avant les premières "nuits blanches".
      La durée du programme dépend du chemin qu’il faudra parcourir pour revenir sur les fondements de certains schémas de pensée très anciens.

      Il ne faut pas s’attendre à une amélioration rapide ou à des résultats en une semaine ou deux. Le problème de sommeil est probablement déjà très ancien (et probablement plus que ne le croit le malade). Un engagement de quelques semaines ou de quelques mois est bien peu de chose en comparaison de toute la souffrance qu’il a déjà endurée.

    • Soutien

      Ce programme de traitement exige presque toujours de changer quelques habitudes de sommeil ou de mode de vie.
      Ceci peut donc aussi le conjoint ou d’autres membres de la famille. Le soutien de ces derniers est d’une aide précieuse. Il faut s’attacher à obtenir leurs encouragements et leur participation.
    • Établir des objectifs réalistes
      Définir les changements visés : il s’agit essentiellement, par divers moyens, de chercher à améliorer la qualité du sommeil plutôt que l’allongement de sa durée.

      - voulez-vous vous endormir plus vite ?

      - vous réveiller moins souvent ?

      - mieux fonctionner dans la journée ?

      - ne plus prendre de médicaments ?

      - Voulez-vous être en forme ?
    • Utiliser un agenda Veille-Sommeil

      Il est opportun de remplir un agenda Veille-Sommeil pendant une à deux semaines avant de commencer le traitement. On obtient ainsi un "état des lieux" de départ (qui sera utile pour effectuer des comparaisons à mesure que le patient progresse) et on repère les habitudes comportementales nuisibles à la qualité du sommeil.
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      Agenda Veille/Sommeil-Fatigue/somnolence
      Un bon outil pour observer, comprendre et... agir !

      Dans un deuxième temps, le patient décide de procéder à des expériences sur son sommeil. L’agenda Veille-Sommeil permet d’observer scientifiquement leurs résultats.
      D’une perception très subjective du sommeil, le malade passe ainsi à une observation objective plus juste.


      Nb. Une caractéristique typique de l’insomnie chronique est le sentiment que le sommeil est hors de contrôle.
      Remplir l’agenda mobilise positivement le patient. Il lui permet de comprendre qu’il peut redevenir le maître de son sommeil.

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      Quel dormeur êtes vous donc ?
    • Développer une attitude plus scientifique.

      Essayer de comprendre quels facteurs interfèrent avec le sommeil.
      Il faut être curieux et précis comme un scientifique peut l’être.
      La base de la réflexion scientifique repose sur la meilleure façon de faire la part des choses entre l’apparence et la réalité. L’agenda permet d’éliminer les biais qui conduisent fréquemment à de grosses erreurs d’interprétation.

      Le sommeil est de meilleure qualité lorsqu’il survient en harmonie avec les rythmes biologiques. L’analyse des réponses aux questionnaires de typologie du sommeil aidera à établir le profil somnologique idéal du sujet.


    Efficacité du programme.

    Les composantes de ce traitement ont fait l’objet de plusieurs recherches, son efficacité a été démontrée : les personnes traitées ont amélioré leur sommeil en qualité et efficacité.
    Quelquefois, plusieurs mois d’effort ont été nécessaires à cette amélioration.
    En pratique :

    • un tiers des patients abandonne le programme en cours de route...
    • un tiers des patients est satisfait. Ces sujets disent avoir une vision plus positive de leur sommeil (dans notre expérience, cette attitude un peu fataliste présente un risque de rechute).
    • un tiers des patients se déclarent guéris. Ils ne trouvent plus aucun intérêt à consommer un somnifère et se disent être en forme.
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      Gestion ou croyances ?

    Le succès de ce programme dépend beaucoup du sérieux et de la discipline du sujet. C’est une méthode thérapeutique astreignante qui ne s’achète pas en pharmacie ...
    L’important est d’arriver à retrouver peu à peu un sentiment de confiance dans son sommeil en se débarrassant de toutes les pensées et de tous les comportements éveillants qui contribuent à la pérennisation du cercle vicieux de l’insomnie.


    La guérison, dans ces conditions peut être complète et définitive.

    Nb. La visite du forum et en particulier les réponses de Docdodo permettent de se faire une idée plus précise de ce que représente concrètement le programme, adapté aux divers cas de figure qui se présentent.

    Préférer dormir avec des remords qu’avec des regrets... [1]

    On a des regrets pour quelque chose qu’on ne contrôle pas.
    L’insomniaque est comme la victime du temps qu’il fait dans ses nuits.
    Il ne contrôle pas le climat. Il est heureux lorsqu’il fait beau (et que pour une fois, il a bien dormi) et souffre quand il pleut (et qu’il doit se lever après une nuit de calvaire).
    Il se sent de plus en plus impuissant et appréhende de plus en plus ses nuits d’insomnie.
    On peut regretter la pluie un jour de mariage, par exemple, mais on ne nourrit pas de remords contre l’orage.

    On a des remords pour quelque chose dont on est responsable.
    Le bon dormeur se sent pleinement responsable de son sommeil. En cas de mauvaise nuit, il connaît les causes et les conséquences de ce qui lui arrive et sait parfaitement, le cas échéant, prendre les bonnes mesures correctrices.
    Celui qui n’a jamais eu de problème de sommeil réagit souvent inconsciemment de la bonne manière avec "bon sens". Il n’est concerné par aucun des propositions du questionnaire de dépistage des troubles du sommeil.
    L’ancien mauvais dormeur a dû apprendre à le faire.

    La prise en charge de l’insomnie nécessite en quelque sorte ce passage du regret au remords.
    Nb. Autonomie : qui jouit de ses propres lois ; du grec "autos" (soi-même) et "nomos" (la loi). L’autonomie est la capacité à se fixer ses règles de vie.
    La guérison est le retour de l’autonomie vis-à-vis du sommeil.

    Voir, dans le site, les autres articles en lien avec l’insomnie :



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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1Le conjoint infidèle a des remords ; le conjoint fidèle a des regrets. (Proverbe japonais).