Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Zarathoustra et le sommeil

"Ce sage me semble fou avec ses quarante pensées : mais je crois qu’il entend bien le sommeil."

lundi 6 novembre 2006, par guilhem

Le philosophe allemand Friedrich Nietzsche (1844 - 1900) utilisa le nom du prophète persan Zoroastre (Zarathoustra) dans son livre : "Ainsi parlait Zarathoustra. Un livre pour tous et pour personne".
L’ouvrage ( qu’il défini comme un poème philosophique d’une "nouvelle promesse d’avenir pour l’homme"), est composé de quatre tomes que Nietzsche affirme avoir rédigé en dix jours chacun.
La première partie "Des chaires de la vertu" est paru en Mai 1883.


"Quand vient la nuit je me garde bien d’appeler le sommeil !
Il ne veut pas être appelé, lui qui est le maître des vertus !
Mais je pense à ce que j’ai fait et pensé dans la journée.
En ruminant mes pensées je m’interroge avec la patience d’une vache, et je me demande : quelles furent donc tes dix victoires sur toi-même ?
Et quels furent les dix réconciliations, et les dix vérités, et les dix éclats de rire dont ton cœur s’est régalé ?
En considérant cela, bercé de quarante pensées, soudain le sommeil s’empare de moi, le sommeil que je n’ai point appelé, le maître des vertus.

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F. Nietzshe vers 30 ans
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Also sprach Zarathustra.
Ein Buch für Alle und Keinen



Les paroles du Sage sont surprenantes par leur simplicité et peuvent aider à comprendre les principes moderne de la thérapie cognitive et comportementale de l’insomnie (Cf. "Apprendre à dormir").

Comme de nombreux témoignages du passé (voir aussi : "Texte d’auteur et citations"), ce texte est selon nous un véritable trésor.

Le Sommeil y est à la fois le "maître des vertus" et le "voleur de pensées aux pieds légers" mais qui "n’aime point être appelé" car cela le fait fuir, tout au contraire ! ...



Comme Zarathoustra [1], nous pensons que "veiller pour dormir" est un "non-sens" mais qu’il faut parfois savoir considérer ce non-sens comme un "bon choix" (lorsque l’on souffre d’insomnie ...).
Il faut une bonne dose de désinvolture (qui n’est pas la principale qualité des personnes insomniaques) pour comprendre qu’il lui faut "s’entendre à une chose : envoyer dormir à temps les vertus elles-mêmes".


"Also sprach Zarathustra"
(extrait intégral)


  • On vantait à Zarathoustra un sage que l’on disait savant à parler du sommeil et de la vertu, et, à cause de cela, comblé d’honneurs et de récompenses, entouré de tous les jeunes gens qui se pressaient autour de sa chaire magistrale. C’est chez lui que se rendit Zarathoustra et, avec tous les jeunes gens, il s’assit devant sa chaire.
    Et le sage parla ainsi :

    • « Ayez en honneur le sommeil et respectez-le ! C’est la chose première.

    • Ce n’est pas une petite chose que de savoir dormir : il faut savoir veiller tout le jour pour pouvoir bien dormir.

    • Dix fois dans la journée il faut que tu te surmontes toi-même : c’est la preuve d’une bonne fatigue et c’est un pavot pour l’âme.

    • Il te faut trouver dix vérités durant le jour ; autrement tu chercheras des vérités durant la nuit et ton âme restera affamée.

    • Dix fois dans la journée il te faut rire et être joyeux : autrement tu seras dérangé la nuit par ton estomac, ce père de l’affliction.

    • Peu de gens savent cela, mais il faut avoir toutes les vertus pour bien dormir. Porterai-je un faux témoignage ? Commettrai-je un adultère ? Convoiterai-je la servante de mon prochain ? Tout cela s’accorderait mal avec un bon sommeil.

    • Et si l’on possède même toutes les vertus, il faut s’entendre à une chose : envoyer dormir à temps les vertus elles-mêmes.

    • Il ne faut pas qu’elles se disputent entre elles, les gentilles petites femmes ! et encore à cause de toi, malheureux !

    • Paix avec Dieu et le prochain, ainsi le veut le bon sommeil. Et paix encore avec le diable du voisin. Autrement il te hantera de nuit.

    • Honneur et obéissance à l’autorité, et même à l’autorité boîteuse ! Ainsi le veut le bon sommeil. (Est-ce ma faute, si le pouvoir aime à marcher sur des jambes boîteuses ?).

    • Je ne veux ni beaucoup d’honneurs, ni de grands trésors : cela fait trop de bile. Mais on dort mal sans un bon renom et un petit trésor.

    • J’aime mieux recevoir une petite société qu’une société méchante : pourtant il faut qu’elle arrive et qu’elle parte au bon moment : ainsi le veut le bon sommeil.

    • Je prends grand plaisir aussi aux pauvres d’esprit : ils accélèrent le sommeil. Ils sont bienheureux, surtout quand on leur donne toujours raison.

    • Quand vient la nuit je me garde bien d’appeler le sommeil ! Il ne veut pas être appelé, lui qui est le maître des vertus !

    • Mais je pense à ce que j’ai fait et pensé dans la journée. En ruminant mes pensées je m’interroge avec la patience d’une vache, et je me demande : quelles furent donc tes dix victoires sur toi-même ?

    • Et quels furent les dix réconciliations, et les dix vérités, et les dix éclats de rire dont ton cœur s’est régalé ?

    • En considérant cela, bercé de quarante pensées, soudain le sommeil s’empare de moi, le sommeil que je n’ai point appelé, le maître des vertus.

    • Le sommeil me frappe sur les yeux, et mes yeux s’alourdissent. Le sommeil me touche la bouche, et ma bouche reste ouverte.
    • En vérité, il se glisse chez moi d’un pied léger, le voleur que je préfère, il me vole mes pensées  : j’en reste là debout, tout bête comme ce pupitre.

    • Mais je ne suis pas debout longtemps que déjà je m’étends. »

    Lorsque Zarathoustra entendit ainsi parler le sage, il se mit à rire dans son coeur : car une lumière s’était levée en lui. Et il parla ainsi à son coeur et il lui dit :


    • « Ce sage me semble fou avec ses quarante pensées : mais je crois qu’il entend bien le sommeil.

    • Bienheureux déjà celui qui habite auprès de ce sage ! Un tel sommeil est contagieux, même à travers un mur épais.

    • Un charme se dégage même de sa chaire magistrale. Et ce n’est pas en vain que les jeunes gens étaient assis au pied du prédicateur de la vertu.

    • Sa sagesse dit : veiller pour dormir. Et, en vérité, si la vie n’avait pas de sens et s’il fallait que je choisisse un non-sens, ce non-sens-là me semblerait le plus digne de mon choix.

    • Maintenant je comprends ce que jadis on cherchait avant tout, lorsque l’on cherchait des maîtres de la vertu. C’est un bon sommeil que l’on cherchait et des vertus couronnées de pavots !

    • Pour tous ces sages de la chaire, ces sages tant vantés, la sagesse était le sommeil sans rêve : ils ne connaissaient pas de meilleur sens de la vie.

    • De nos jours encore il y en a bien quelques autres qui ressemblent à ce prédicateur de la vertu, et ils ne sont pas toujours aussi honnêtes que lui : mais leur temps est passé. Ils ne seront pas debout longtemps que déjà ils seront étendus.

    • Bienheureux les assoupis : car ils s’endormiront bientôt ».
      Ainsi parlait Zarathoustra.




    Consulter (lien externe en Pdf. 437 p.) le texte intégral : Ainsi parlait Zarathoustra. Un livre pour tous et pour personne (1883-1885).

    Voir les articles connexes du site dans la section "Sommeil et littérature..."
    - "Textes d’auteur, et citations sur le sommeil".
    - "Histoire de la médecine et sommeil".
    - "La Prière de Maïmonide".
    - "B. Franklin et le canular du changement d’heure".


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Quelques liens externes pour en savoir plus...


Suivre les liens pour accéder aux autres articles du site sur l’insomnie : "VOULOIR DORMIR" :


[1Le zoroastrisme, fondé par le prophète Zarata Ouchtra, fut la principale religion pré-islamique au moins cinq siècles avant Jésus-Christ.

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Icone des Pârsî, adeptes Indiens du zoroastrisme


Cette doctrine, remarquable par sa tolérance, affirme l’existence d’un dieu souverain, d’un ciel et d’un enfer, promet la venue d’un sauveur, la résurrection des morts et un jugement dernier).

Véritable religion d’état en Perse jusqu’aux invasions musulmanes (6° siècle après JC.), la profondeur intellectuelle de son système a exercé une grande influence. On la retrouve encore au travers des grandes religions actuelles (le judaïsme, le christianisme et l’islam) mais également chez les philosophes occidentaux, de Nietzsche à Marx.
Nb. Paradoxe de sociologie, dans le calendrier Iranien, le 29 Bahman (18 février) est considéré historiquement comme la journée de la femme dont la célébration date des temps zoroastriens

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Zarata Ouchtra

On ne sait pas vraiment qui était le vrai Zarathoustra mais le personnage n’a rien de légendaire. On a fixé ses dates de vie entre le 10ème siècle et le 6ème siècle avant Jésus-Christ. Il est probable qu’il était originaire de l’Est de l’empire iranien, le Nord de l’Afghanistan actuel. (Voir sur Wikipédia).
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