Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Insomnies - Vouloir dormir

"Ne croyez donc jamais d’emblée au malheur des hommes. Demandez-leur seulement s’ils peuvent dormir encore ? ...Si oui, tout va bien. Ça suffit."
Louis Ferdinand Destouches dit Céline "Voyage au bout de la nuit", 1932.

dimanche 20 août 2006, par guilhem

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L’insomnie est la maladie de celui qui souffre de rester éveillé alors qu’il souhaiterait dormir, en général, pour d’excellentes raisons.

Cette souffrance est majorée par la conjonction de trois facteurs :

  • D’une part, le mauvais dormeur passe beaucoup trop de temps au lit pour rien, car il estime (à tort ou à raison) devoir attendre pour que le sommeil vienne.
  • De l’autre, il surestime en général fortement la longueur de cette attente, parce qu’il développe des compétences de guetteur qu’il emploie à surveiller ses éveils tout au long de son sommeil.
  • Enfin, la sensation de fatigue, toujours présente chez l’insomniaque, doublée de la conscience des exigences de la journée à venir, engendre peu à peu une véritable peur phobique de ne pas dormir.


Même si, en réalité, si les nuits véritablement "blanches" sont rares, elles sont si douloureusement ressenties que l’individu est prêt à tout pour s’en préserver.
Lorsque ces conditions sont réunies, le dormeur s’engage inexorablement dans le cercle vicieux de l’insomnie et des somnifères.

Nb. "La seule façon de guérir le sommeil c’est d’en bien comprendre le fonctionnement" (Cf. le forum du site).


Plan de la page :

Cf. Vouloir dormir (suite) : la gestion personnelle de l’insomnie


Ce n’est que lorsque l’on ne trouve pas le sommeil que l’on sait que la nuit est longue. Le bon dormeur n’a rien à dire sur son sommeil.

Qu’est-ce que l’insomnie ?

L’insomnie est d’abord une plainte : La personne observe qu’elle dort mal et s’en plaint.

Cependant dormir mal ou peu ne signifie pas toujours être insomniaque : il existe de petits dormeurs et des gens qui raccourcissent leur nuit sans problème. Dans la mesure où il n’y a pas de plainte, il n’y a pas lieu de parler d’insomnie.


Un insomniaque est quelqu’un qui ressent un véritable soulagement lorsqu’il arrive à dormir alors que d’autres ne se posent pas de questions quand ils vont au lit.

La différence est-elle uniquement psychologique ?
Non, car il n’y a pas de profil type de personnalité propre aux individus qui souffrent d’insomnie.
Cependant, des études montrent qu’ un certain nombre de caractéristiques ou de traits psychologiques semblent prédisposer à la maladie :

  • une hyperexcitabilité neuro-musculaire, qui se traduit par un état d’agitation mentale et physique qui peut persister jour et nuit.
  • l’état physiologique qui l’accompagne, se manifestant par une tension musculaire, des battements rapides du cœur et une température du corps élevée.
  • la force de caractère, qui se montre inversement proportionnelle à la qualité du sommeil.
  • la rigidité des certitudes concernant les tenants et les aboutissants de l’insomnie est également en cause dans son retentissement négatif sur la journée du lendemain :
    • tendance à l’épuisement physique et moral
    • ralentissement psychomoteur (baisse d’efficacité)
    • troubles de l’attention et de la mémoire


    (Nb. En réalité ces trois symptômes de fatigue précèdent bien souvent l’insomnie.
    La personne essaye-t-elle de dormir parce qu’elle est fatiguée ou est-elle fatiguée parce qu’elle n’arrive pas à dormir ?)

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Un problème de définition ...

La plupart des maladies psychiatriques s’accompagnent de troubles importants du sommeil.

  • La dépression nerveuse, caractérisée par un sentiment de tristesse et un découragement important face à la vie quotidienne, est souvent mise en avant.
    La France détient le curieux record mondial de consommation de médicaments antidépresseurs.
    L’Échelle de Beck de la dépression est un outil d’investigation pratique pour éventuellement éliminer le diagnostic de dépression. (La fatigue, les larmes et l’insomnie ne sont pas nécessairement des signes de dépression...)
  • Les troubles phobiques sont des névroses caractérisées par des peurs irrationnelles. On distingue parmi les phobies les plus handicapantes :
    • - la phobie sociale (la peur des autres).
    • - la claustrophobie (la peur de l’isolement, de l’enfermement)
    • - l’agoraphobie (la peur des foules et des espaces publics)


Le sentiment d’insécurité du sujet qui vit en ayant "peur d’avoir peur" est extrêmement "somnotoxique".

L’insomnie peut conduire à révéler des troubles psychologiques, qu’une consultation auprès de médecin psychiatre mettra en évidence par l’intermédiaire de l’interrogatoire ou de tests.


Les différentes formes d’insomnie :

Insomnie initiale ? de maintien ? terminale ?

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    Insomnie du soir


  • L’insomnie initiale : difficultés d’endormissement au coucher

    Déjà une heure du matin. Pourtant Mathéo s’est couché tôt hier soir.
    Cela fait trois heures qu’il essaie de dormir.
    D’habitude, il met longtemps à s’endormir mais il reste au lit car il pense que ça le reposera toujours un peu.
    Il a bu une tisane pour dormir, avec quelques cachets à base de plantes... Il a essayé de faire le vide, de compter les moutons, de se concentrer sur sa respiration... en vain.
    Il a entendu tous les bruits du quartier, l’horloge du voisin, le bruit du réfrigérateur, le tic tac du réveil.

    Aucune technique ne semble pouvoir le débarrasser des idées qui tournent sans cesse dans sa tête. Au contraire, il devient de plus en plus éveillé et anxieux, tournant et retournant dans son lit, à la recherche d’une position confortable propice au sommeil.
    Deux heures... trois heures... il calcule combien de temps il lui reste avant de devoir se lever pour aller travailler. Quand le réveil sonne au petit matin, il se sent totalement épuisé et se lève avec l’impression de ne pas avoir fermé l’œil.
    Les jours de congés, il profite de ce sommeil du matin pour récupérer. Mais... depuis quelques temps, il n’arrive plus toujours à dormir !
    Par moment Mathéo se demande s’il va devenir fou.

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    La nuit "blanche"


  • L’insomnie de maintien : multiples réveils au cours de la nuit

    La nuit, Ferdinand perd tout son temps.

    Le soir, dès qu’il le peut, il se couche, épuisé, et s’endort en cinq minutes. Mais sans aucune raison apparente il se réveille presque toutes les heures.

    Quelquefois il arrive à se rendormir ; il fait d’ailleurs très attention à ne pas trop bouger pour ne pas se réveiller complètement.

    Il éprouve parfois beaucoup de difficulté à se rendormir mais il reste quand même au lit. Il jette un œil sur le réveil, une fois, dix fois...

    Plus rarement, il se lève, passe une partie de la nuit debout, mais s’énerve à imaginer la journée qui l’attend et le probable degré d’épuisement... Il se met en colère contre lui-même et se demande ce qu’il fait debout alors que tout le monde dort. Il finit par se recoucher vers cinq ou six heures du matin et, quand le réveil se fait entendre, il doit faire un effort surhumain pour sortir du lit.
    C’est décidé, demain Ferdinand ira en parler à son médecin...

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    Insomnie du matin


  • L’insomnie terminale : réveil trop matinal.

    Chaque matin, Mireille se réveille sans pouvoir se rendormir.
    Elle s’endort le soir en général facilement (elle prend parfois un petit comprimé) mais ne dort jamais plus de cinq ou six heures.
    Au petit matin, elle entend les bruits de la rue, elle va aux toilettes puis retourne se coucher, espérant se rendormir avant que le réveil ne sonne pour aller à son travail.
    Mireille panique, ses pensées sont pessimistes... elle n’arrivera pas à tenir longtemps comme cela, mais comment faire avec la maison, les enfants, les courses... ?
    Elle rêve, elle pense, elle ne sait plus, mais son esprit occupé à ces tracasseries pendant tout ce temps-là.
    Quand le réveil sonne, elle pense qu’elle ne dormait pas et se sent fourbue, lourde et raide et plus fatiguée que la veille pour commencer la journée.
    Sa voisine lui a dit qu’elle faisait une dépression et qu’elle devrait en parler à son médecin...

Au final, êtes-vous comme Mathéo, Ferdinand ou Mireille ? ou bien un peu les trois ?

En fait, il n’y a pas une seule façon de définir l’insomnie. Il y a de nombreuses différences individuelles quant au besoin de sommeil.
Certains très courts dormeurs consultent parce qu’ils ne supportent pas de dormir moins que leur conjoint... alors qu’ils ne présentent aucun trouble (ni somnolence ni troubles fonctionnels). Chez eux, les vrais problèmes apparaissent en cas d’utilisation intempestive de somnifères !

L’insomnie résulte du décalage entre le vécu subjectif du sommeil (délai d’endormissement, continuité et durée) et les attentes en terme de satisfaction et d’efficacité (sensation de repos, performance et vigilance dans la journée du lendemain).


L’expérience de tout un chacun est qu’une « mauvaise nuit » se traduit souvent par une journée maussade avec des problèmes de mémoire et des difficultés de concentration.
Le patient insomniaque vit dans la terreur de renouveler cette expérience.

Cette inquiétude constitue le point de départ d’un véritable cercle vicieux où la crainte de mal dormir se justifie par la certitude que la journée du lendemain sera gâchée.

L’insomnie est une expérience subjective et cette perception subjective du sommeil ne correspond pas toujours au sommeil physiologique réel, tel qu’il est mesuré par l’enregistrement électro-encéphalographique.

On constate par exemple que les insomniaques ont tendance à surestimer le temps qu’ils mettent à s’endormir et à sous-estimer leur durée totale de sommeil. Lorsqu’on les réveille en stade I ou II (sommeil léger), ils affirment qu’ils étaient éveillés alors que les bons dormeurs sont plus susceptibles de dire qu’ils dormaient.

Deux types d’insomnie ?

On a pris l’habitude de distinguer deux types d’insomnie bien que pouvant prendre des formes très diverses...

  • L’insomnie occasionnelle : transitoire, de courte durée.
  • L’insomnie chronique : de quelques mois à plusieurs années.
    L’origine de l’insomnie chronique peut être d’ordre endogène : liée au chronotype, ou bien d’ordre exogène : liée à des facteurs environnementaux. Le plus souvent, elle résulte d’une prise en charge inadaptée (par les somnifères) de l’insomnie occasionnelle. Sa tendance naturelle est à l’aggravation du fait même des changements cognitifs et comportementaux qui s’opèrent dès lors que la personne recherche une aide, sédative notamment, au sommeil.


Nb. De nombreuses insomnies chez l’adulte trouvent leur origine dans l’enfance. Le petit qu’on aura trop souvent couché "pour qu’il dorme" à contre-temps, s’habitue très tôt à devoir attendre le sommeil. Mais le sommeil ne se commande pas à volonté... Voir l’article sur le sommeil de l’enfant.
L’incompétence à trouver le sommeil et du coup la défiance par rapport au sommeil en général qui en découle, pourront se manifester bien des années plus tard, à l’occasion de situations où la personne pensera qu’il lui est capital d’arriver à dormir.
Devant cette incompétence face au sommeil, le somnifère apparaît alors comme une véritable bouée de sauvetage.

Comment une insomnie occasionnelle devient-elle chronique ?

Qui souffre d’insomnie ?

Les sondages montrent que :

  • - plus d’un adulte sur trois souffre d’une insomnie,
  • - 27% de la population générale se plaint d’une insomnie occasionnelle,
  • - 10% de la population souffre d’insomnie chronique.

Nb. Ces chiffres sont bien supérieurs à ceux que donnent les enquêtes auprès des médecins. On s’aperçoit que de nombreux sujets insomniaques choisissent de ne pas aborder la question avec leur médecin... (peur du somnifère ou sentiment de réponse inadéquate ?)

Il y a plusieurs causes susceptibles de perturber le sommeil : psychiatriques, médicales, pharmacologiques, environnementales...
Certaines personnes sont plus vulnérables que d’autres, mais pratiquement tout le monde peut développer des troubles du sommeil en présence de certaines situations éveillantes.
C’est l’insomnie occasionnelle ou réactionnelle. Une telle insomnie est en général limitée dans le temps.
Cependant, dans certains cas (comme le deuil par exemple), la douleur morale accompagnée d’angoisse laisse, au contraire, au sujet qui espère dormir pour oublier ses soucis, le souvenir cuisant d’une véritable "nuit blanche".

Le plus souvent, la personne s’endort en fin de nuit et le réveil au matin est particulièrement teinté d’idées noires (le sommeil de rebond est la plupart du temps dépressogène...).
Pour autant, les expériences montrent que les performances de la personne ne sont pas affectées par ce type d’insomnie (en dehors de la prise d’un sédatif).
La privation partielle de sommeil qu’elles occasionnent apparaît donc plutôt comme un moyen naturel de défense et de « cicatrisation des soucis ».

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Pas sommeil



Une réaction naturelle de défense ?


Cette forme d’insomnie, dite "physiologique", qui se produit en situation de danger, correspond à une réaction de défense efficace.
L’état d’excitation qui la caractérise, aux conséquences si néfastes sur le sommeil, contribue à augmenter les performances dans la journée.
La nuit, il offre un temps supplémentaire pour la réflexion, quand, par contre, un état de somnolence le rendrait impossible.


Toutefois, chez bon nombre de personnes, les troubles persistent. C’est alors que les « facteurs psychologiques » jouent un rôle majeur quant au développement de l’insomnie qui risque de peu à peu se chronisiser.
Les « facteurs psychologiques » désignent ici des comportements, des attitudes, des croyances concernant le sommeil, qui ont tendance à entretenir le trouble. Ce type d’insomnie qui va vers la chronisisation est qualifiée par les anglo-saxons de "learned insomnia" : insomnie « apprise ».

Différents facteurs entrent en jeu dans le développement d’une insomnie chronique. On distingue :


  • des facteurs génétiques prédisposant à l’insomnie : court-long dormeur, matinalité-vespéralité. (Cf questionnaires de typologie du sommeil)
  • des facteurs environnementaux et sociaux précipitant l’insomnie : stress, traumatisme, maladie, problèmes familiaux ou professionnels... (Cf événements de vie).
  • des facteurs psychologiques cognitifs et comportementaux entretenant l’insomnie comme
    • pensées et/ou inquiétudes,
    • renforcement des croyances,
    • attitudes contre-performantes
        .
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    L’insomnie (ou la fatigue) coûte cher ...

    C’est alors le cercle vicieux de l’insomnie...

    La réaction en chaîne ou la cascade qui entretient et aggrave peu à peu l’insomnie...

    • Alimentation des croyances :
      • inquiétudes concernant la perte de sommeil ("je ne dormirai plus jamais"),
      • rumination à propos des conséquences ("je vais tout rater demain, ou devenir fou"),
      • attentes irréalistes ("ça ira si je dors 9 heures"),
      • fausses attributions / amplification ("si je n’avais pas de soucis, je dormirais" / "je n’ai pas fermé l’œil de la nuit"),
      • la conviction fréquente que l’insomnie est cause de tous les maux.


      Voir articles croyances à l’égard du sommeil ou pensées irrationnelles.

        .
    • Conséquences comportementales :
      • temps excessif passé au lit ("j’attends sans bouger")
      • horaires irréguliers de réveil ("le dimanche matin je récupère jusqu’à 10 h" )
      • siestes dans la journée ("je me repose mais je ne dors pas")
      • activités incompatibles avec le sommeil ("je choisis le programme de télévision le plus ennuyeux car ça m’endort")


    • Activation physiologique des systèmes d’éveil / hyper-excitation :
      • réaction d’éveil proportionnelle aux efforts pour contrôler le phénomène.
      • excitation cognitive : emballement des pensées négatives qui "tournent en boucle"
      • excitation physiologique : augmentation de la chaleur corporelle liée aux tensions musculaires, aux modifications de la tension et du rythme cardiaque, à l’hyperactivité du cerveau.


    • Perturbations :
      • d’ordre émotionnel : changement de l’humeur (angoisse, colère, désespoir), un malaise social peut s’installer.
      • d’ordre cognitif : fatigue intellectuelle, baisse des performances,
      • d’ordre physiologique : la fatigue s’installe avec ses composantes fonctionnelles) (Cf. syndrome d’hyposommeil).
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    Cercle vicieux cognitivo-comportemental

    et... c’est...

  • l’INSOMNIE...
    L’échec des tentatives de contrôle du sommeil génère de l’« anxiété de performance » qui, à son tour, contribue à entretenir l’insomnie... car l’anxiété est un sentiment extrêmement éveillant. Essayer de dormir lorsque l’on n’y est pas disposé peut devenir un véritable calvaire.

    Comment gérer le problème ?

    Voir ici la suite de l’article : gestion personnelle de l’insomnie.

    Ce site propose un questionnaire interactif de dépistage des troubles du sommeil :
    "cliquez les propositions par lesquelles vous vous sentez concerné"... "vos réponses sont compatibles avec le(s) problème(s) suivant(s)... "vous devriez évoquer ces questions avec votre médecin"...


Ce texte s’inspire librement des principes de Thérapie cognitive et comportementale TCC appliqués à l’insomnie et exposés par le Professeur Charles M. MORIN (spécialiste du sommeil à l’université Laval de Québec). Nous recommandons son ouvrage (destiné au grand public) : "Vaincre les ennemis du sommeil" (Marabout santé 3599).
Écouter une interview de M. Morin

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Quelques liens externes pour en savoir plus...
  • 20 astuces pour une bonne nuit de sommeil (Encore les Canadiens ... quelques bons conseils, mais aussi quelques conseils dépassés : les "tisanes de valériane" par exemple, n’aboutissent, d’après nous, qu’à cristalliser l’impuissance de l’insomniaque face à son sommeil).
  • Un "eBook" très éloquent du Dr Daniel F. Kripke sur le côté sombre des somnifères. (à consulter avec un traducteur).


Nb. "La seule façon de guérir le sommeil, c’est d’en bien comprendre le fonctionnement." (Cf. le forum du site).