Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Chronobiologie - Devoir dormir

"Le savoir et le pouvoir de l’homme sont indissociables car on ne peut produire l’effet où l’on ne connaît pas la cause." Francis Bacon, philosophe et aphoriste anglais (1561 - 1626).

, par guilhem

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Un système instable en équilibre


Nous devons dormir...
Le sommeil est un besoin vital chez tous les êtres vivants.
Nous sommes une espèce "diurne" et nous consacrons, en moyenne, 1/4 à 1/3 de notre temps à dormir, de préférence durant la nuit.
L’alternance éveil/sommeil obéit à un système de régulation à deux processus que nous avons représenté par un double balancier.
Le Balancier Circadien (l’horloge "C") oscille en fonction de l’heure qu’il est sur l’horloge interne (qui suit les indications des signaux extérieurs de jour et de nuit).
Le Balancier Homéostasique (le balancier "H") fonctionne comme un sablier en fonction du temps passé en sommeil ou en éveil.
Les différentes conditions d’équilibre du système dépendent donc à la fois des besoins de sommeil de l’individu (le terrain génétique), et des contraintes extérieures auxquelles il doit se soumettre (horaires atypiques de travail, privation de sommeil, sieste...).

Plan de la page :

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"Il y a plus de tailles de sommeil que de tailles de chaussures !"



Voir une animation du "Modèle à double balancier des mécanismes de régulation du sommeil"

Préambule : Le modèle de Borbély (1982) [1].


Le sommeil résulte de l’effet conjugué d’un processus circadien interne (qui module la pression de sommeil en fonction du temps) et d’un processus homéostatique externe qui dépend de la durée de veille ou de sommeil qui précède.

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Borbely- A two-process model of sleep regulation. HumanNeurobiolo. 1.195-204.1982

  • Un système souple et dynamique qui s’adapte quotidiennement aux besoins de l’organisme :
    • Le rythme du sommeil est synchronisé sur le cycle jour/nuit par une véritable horloge située dans le cerveau (mais aussi dans chacun des noyaux de nos cellules).
      La pression qu’elle exerce sur les systèmes de l’éveil ou de la somnolence dépend donc de l’heure qu’il est à l’horloge interne.

      Le chef d’orchestre de ce rythme se situe dans le cerveau. Il effectue une mise à l’heure quotidienne par le truchement de signaux temporels externes comme la lumière, la chaleur ou la nourriture.

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      Le gène Clock et les rythmes circadiens
      (d’après Inserm U776)
    • Le besoin de sommeil répond aux lois de l’homéostasie (la tendance à retourner vers un état d’équilibre). La "pression" de ce balancier est proportionnelle à la durée de la veille qui précède, et inversement.


      La quantité, la qualité et l’horaire de survenue du sommeil sont les trois paramètres qui peuvent varier d’un jour à l’autre et d’un individu à l’autre.
      Ils dépendent du rythme et des conditions de vie (privation de sommeil, sieste, travail, climat, repas), et du chronotype qui est défini par les caractéristiques individuelles du dormeur (long ou court ; du matin ou du soir ; souple ou rigide).
      Voir l’article : "Quel dormeur êtes-vous donc ?".

    L’équilibre chronobiologique Veille-Sommeil dépend de l’adéquation entre le chronotype de l’individu et ses choix de vie.
    Expérimentalement, la perte de cet équilibre entraîne trois types de troubles :
    - soit un excès d’éveil : c’est l’insomnie
    - soit un excès de sommeil : c’est la somnolence
    - soit une désynchronisation interne entraînant une perte de l’efficacité du sommeil qui se traduit par une sensation de fatigue et des troubles fonctionnels.
    Voir l’article : "modélisation du sommeil normal et pathologique.

    Un système schématisé par un mécanisme à double balancier.


    1. À gauche sur le schéma, le Balancier CIRCADIEN (rythme de 24h, cf. glossaire), qui se comporte comme une véritable horloge interne qui ouvrirait (et refermerait) les « portes du sommeil » à certains moments propices des 24 h que détermine l’alternance du jour et de la nuit (le nycthémère).

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    Le balancier Circadien, l’horloge du sommeil


    La variation cyclique de la température du corps (et de la sécrétion d’une hormone : le cortisol) en est le marqueur principal. (Cf.plus bas)
    En dehors de tout signal de temps extérieur, cette horloge reste calée sur une période de 24 heures. [2]

    3. Des "donneurs de temps" extérieurs : (la lumière, la chaleur, l’alimentation et le plaisir) interviennent pour aider à synchroniser la période principale de sommeil sur l’alternance du jour et de la nuit.
    Ces signaux externes rendent possible cette remise à l’heure journalière du système qui est "naturellement prévu" pour "tourner" sur un rythme très fixe et dont les possibilités d’adaptation en cas de décalage horaire sont assez modestes (plus ou moins une heure environ).
    Voir l’article sur les "Somnicaments", les donneurs de temps naturels du sommeil.


    2. À droite sur le schéma, le Balancier HOMÉOSTATIQUE [3] est comparable à un simple sablier qui se retourne deux fois par 24h (c’est à dire au bout d’un certain temps d’accumulation d’éveil ou de sommeil).

    Dans la zone d’équilibre adaptatif de ce balancier, chaque période est proportionnelle à la durée de celle qui précède.

    La pression de sommeil dépend de la durée de l’éveil préalable et inversement.

    La sieste par exemple effondre la pression du sommeil (c.-à-d. la masse de "C"). La privation de sommeil fait l’inverse.

    4. La force des interactions entre les deux balanciers et la force d’inertie de tout le système déterminent les capacités d’adaptation aux rythmes de sommeil irréguliers.
    La bonne tolérance au travail de nuit ou aux décalages horaires est tributaire de paramètres génétiques et comportementaux.
    Le déphasage chronobiologique se traduit par un mouvement véritablement chaotique du système à deux balanciers.
    Ce mouvement mathématiquement imprévisible se traduit par une sensation de fatigue qui conduit à un changement de rythme de vie ou à une décompensation brutale. (Cf. l’article : "Système d’alarme et Arrêt d’urgence").


    1. « Le balancier homéostasique »

    Peut-on réduire la durée du sommeil ?

    Les expériences de privation du sommeil montrent l’existence d’une régulation homéostatique.
    Le retour à l’équilibre se manifeste par une augmentation de la somnolence en partie proportionnelle à la durée de l’éveil (plus on veille, plus la pression de sommeil est importante) d’une part, et par un rebond d’efficacité du sommeil compensatoire d’autre part.
    Ce rebond compensateur se manifeste par une augmentation quantitative (augmentation de la durée), et qualitative (augmentation du pourcentage en ondes lentes, et par une réduction des phases de transition du sommeil).

    « Cela semble indiquer l’existence d’un sommeil superflu prolongeant le sommeil nécessaire, qui pourrait faire défaut sans inconvénients, dont le minimum est évidemment difficile à déterminer à cause de la compensation probable des augmentations de profondeur ». (Henri Pieron, Le problème physiologique du sommeil, 1913)..

    On peut donc provisoirement réduire la durée de son sommeil, mais cela ne signifie pas que l’on peut réduire son besoin de sommeil.

    Ce besoin dépend des conditions de vie (privation de sommeil, sieste ...), mais des facteurs individuels très marqués expliquent aussi les grandes variabilités que l’on constate entre les dormeurs.

    Le besoin quotidien de sommeil (en moyenne 8h) est très variable selon les individus.
    Dans des limites considérées comme physiologiques, il existe des très courts dormeurs qui sont en forme avec moins de 4 ou 5h de sommeil par jour, des longs dormeurs qui ne peuvent se passer de 11 h.

    Une longue période d’éveil impose une longue période de sommeil et inversement. C’est un mécanisme adaptatif de type "homéostatique".

    En pratique, il est possible de tolérer des privations de sommeil (travail posté, nuits blanches exceptionnelles) si l’on sait obéir aux règles de "l’homéostasie prédictive" avec, notamment, la pratique de siestes préventives ou curatives.
    Voir les article sur la sieste.


    Certains individus seront physiologiquement plus affectés que d’autres par ce type de contraintes.
    Des études ont montré, chez l’animal, des segments de chromosomes responsables de cette caractéristique (court/long dormeur) et confirment ainsi les données issues de l’observation chez l’homme.


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    2. Le balancier « Circadien »

    Le niveau de vigilance et la survenue du sommeil dépendent également de l’influence du balancier « C » (Circadien).

    Le balancier circadien peut se concevoir comme une véritable horloge interne qui synchronise les périodes de vigilance et de somnolence sur l’alternance du jour et de la nuit, grâce aux indications des donneurs de temps extérieurs (cf. plus bas).

    Les tests de conduite automobile simulée montrent la variation cyclique de la vigilance.
    Le risque de somnolence augmente sensiblement entre 13 et 16h et plus encore la nuit, entre 2 et 5 h.

    L’organisation circadienne (sur 24h) de la somnolence dépend des variations de la température du corps (qui oscille autour de 36.5° avec un minimum au milieu de la nuit et un maximum en fin de journée).
    Le cycle de la température est donc identique à celui de la vigilance. Cette variation de la température centrale apparaît comme l’un des principaux déterminants des « portes du sommeil ». Ainsi, l’envie de dormir le soir correspond à un refroidissement du cerveau.
    De la même façon, la pression de somnolence qui survient souvent après le repas de midi (somnolence « postprandiale », vers 15 h.) n’est pas directement provoquée par l’alimentation, mais correspond en réalité à une baisse de la courbe de température inscrite dans nos rythmes biologiques.

    La mesure de la somnolence au cours d’un test itératif d’endormissement (Cf : TILE, exploration du sommeil), confirme expérimentalement ces données chronobiologiques en montrant qu’il est plus facile de s’endormir lorsque la température interne baisse.


    Cette fluctuation circadienne de la vigilance est également confirmée par des mesures électro-encéphalographiques (test d’atténuation de l’alpha"), ou par le taux d’erreur à différents tests d’évaluation de l’attention (cognitifs et psychomoteurs).


    Les performances physiques et intellectuelles sont optimales en fin d’après-midi (18/20h) quand la température du cerveau est au point le plus haut (Voir l’article : "Chronobiologie et performances sportives) ;
    Cette variation cyclique est due en partie à l’action d’une hormone : la mélatonine dont la sécrétion dépend de l’obscurité et qui se comporte comme le chef d’orchestre de l’horloge interne.

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    Le signal "nuit" de la mélatonine


    Lorsque le signal "jour" est transmis depuis les yeux vers le cerveau (hypothalamus), cela interrompt la production nocturne de mélatonine et, de ce fait, cela programme l’heure du début de la prochaine sécrétion du soir ("onset").

    Ainsi, il est possible d’anticiper sur un décalage horaire dû à un voyage trans-méridien en avion en agissant sur certains signaux temporels.
    C’est aussi de cette manière qu’on peut apprendre à un sujet hyper-nycthéméral (ou du soir extrême) à contrôler son handicap.


  • Les quatre principaux "donneurs de temps" :
  • Traditionnellement baptisés (par les Allemands) les "Zeitgeber", ce sont les facteurs extérieurs capables d’influencer l’horloge interne.

    On en connaît principalement quatre : la Lumière, la Chaleur, l’Alimentation et le Plaisir.
    Ces somnicaments agissent en synergie pour synchroniser les périodes de sommeil et d’éveil avec l’alternance jour/nuit.
    L’espèce humaine obéit ainsi à un rythme strictement diurne [4].


    Le rythme du balancier circadien (mesuré sur le cycle de la température) est dépendant de l’action d’une hormone cérébrale : la mélatonine, sécrétée sous l’effet d’enzymes dont l’activité est commandée par la perception de la lumière au niveau des yeux.

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    Mélatonine, gradients de température et somnolence


    La somnolence n’est donc pas induite par la volonté.
    Les périodes de plus forte somnolence résultent de la baisse de la température centrale qui survient deux fois par 24h.

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    Typologie vespérale ou matinale et horaire moyen du pic de mélatonine nocturne


    Selon que le sujet est matinal ou vespéral, la courbe de température et le pic de la mélatonine sont légèrement retardés ou avancés l’un par rapport à l’autre.


    Lors d’expériences de mise « hors du temps », tous les sujets privés de repères horaires conservent le même rythme circadien et les oscillations de la courbe de la température restent très stables.
    Par contre, chez la plupart des individus, le rythme veille sommeil se décale progressivement et il se produit des périodes de sommeil en déphasage avec les "portes du sommeil" (qui sont les périodes autour du minimum thermique).

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    Triangles= min T°
    traits=sommeil
    (d’après W. Dément, 1976)


    Cette désynchronisation se manifeste par une perturbation de la structure interne et de la durée du sommeil, plus ou moins bien supportée selon les caractéristiques somnologiques individuelles.

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    Le jeune spéléologue M. Siffre en 1962
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    Ainsi, certains sujets (comme ce fut le cas pour Michel Siffre [5]), peuvent, par exemple, rester éveillés durant 18 heures, puis dormir ensuite pendant 10 heures et se sentir tout à fait bien ainsi, sur un rythme de 28h).


    Pour les expériences en isolation "hors du temps", tous les repères ont été coupés pour laisser la personne évoluer selon son rythme endogène. Après plusieurs semaines d’isolement, le cycle veille-sommeil a tendance à s’allonger pour atteindre jusqu’à 28 à 36 heures.
    On mesure sur la profondeur et la qualité du sommeil (donc la durée) l’influence du rythme endogène qui, privé de donneurs de temps, continue à influencer la pression de sommeil. La désynchronisation chronobiologique (visible sur le schéma) que cela provoque peut entraîner de nombreux troubles fonctionnels et une sensation de fatigue voisine de celle rencontrée dans le travail de nuit.

    Quelques remarques sur les quatre "Zeitgeber".

    • La lumière (et donc l’heure du réveil) contrôle la sécrétion de la mélatonine. Il est démontré que l’exposition à la lumière exerce un effet éveillant et influe sur les rythmes du sommeil ou du taux de cortisol. La « luminothérapie » a fait la preuve de son efficacité dans un grand nombre de pathologies (insomnies, dépression, fibromyalgie...).
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      Effet du sport sur le sommeil
      (d’après la revue Veille&sommeil N°15)
    • L’exercice physique agit beaucoup sur la température du corps. L’action de la mélatonine sur la chute de la température le soir est d’autant plus marquée que l’organisme était chaud dans la journée. Les sports d’endurance (marche, footing, natation, ski...) sont traditionnellement associés à un sommeil plus profond.
      A l’inverse, il est généralement déconseillé de pratiquer un sport intensif moins de 2 heures avant d’aller dormir.
      Attention, ce conseil pour insomniaques ne doit pas conduire les malades à cesser toute activité trop tôt le soir, comme le font certains mauvais dormeurs qui se "postent à l’affût du train du sommeil" dès 21 ou 22 h) et essayent de trouver le sommeil en attendant sans rien faire.
    • Les horaires de repas agissent sur le cerveau par l’intermédiaire d’hormones découvertes récemment comme l’hypocrétine-orexine qui agit à la fois sur le comportement alimentaire et sur les circuits du sommeil.
    • Les contacts sociaux, l’amour, le rire et le plaisir exercent également un rôle non négligeable dans la synchronisation des rythmes de sommeil.
      Ces nouveaux "somnicaments" font rarement l’objet d’études spécifiques, mais certaines observations anciennes suggèrent leur importance.
      Ainsi, en 1532, Rabelais affirmait déjà, avec beaucoup d’à-propos : "Les joyeux guérissent toujours" [6].
      En 2007, une large étude anglaise, chez l’adolescent, confirme que le besoin de sommeil diminue fortement lorsqu’on tombe amoureux !.

      D’une manière générale, les plaisirs de la vie sont souvent associés à un sommeil efficace et court alors que la "clinophilie", ce besoin de s’allonger, que ressentent les sujets fatigués, prolonge le temps de sommeil mais en diminue la profondeur (les ondes lentes). Cette baisse de l’efficacité aggrave la sensation de fatigue (Cf. "syndrome d’hyposommeil).
      Par ailleurs, les expériences de repos forcé « bed rest », qui provoquent une réduction brutale de l’activité physique induit très rapidement une perturbation du sommeil profond qui se traduit par l’apparition de troubles fonctionnels (douleurs, malaises, asthénie).

      Inversement, il est prouvé que l’augmentation de l’activité, associée à une réduction volontaire du temps de sommeil chez le sujet déprimé permet parfois d’améliorer l’humeur (cf. "dépistage et prise en charge de la dépression").


    Remarque : bâillement et somnolence, cause ou conséquence ? Le bâillement n’est pas un "donneur de temps" à proprement parler. Son utilité reste un mystère qui n’a pas encore livré tous ses secrets, mais on lui attribue plusieurs effets somnologiques :
    • il exercerait un effet de stimulation directe de l’éveil par amélioration de l’oxygénation (mais des études récentes ne confirment pas toujours cela).
    • on lui accorde depuis longtemps un rôle dans la régulation de la température du corps et du cerveau, ce que les découvertes récentes sur le rôle des variations de la température cérébrale dans l’induction de la somnolence semblent confirmer.
    • sa fonction de synchronisation des comportements sociaux et son influence sur le rythme de sommeil des autres membres du groupe est indéniable, comme le montre son effet qualifié de « contagieux ».
      Chez les primates supérieurs (gorilles et humains), la visualisation (même en photo) d’un sujet en train de bâiller suffit (statistiquement) à provoquer un bâillement.
      Cette particularité connue depuis longtemps (mais qui ne se voit pas chez les autres espèces), est probablement un héritage de l’époque où l’humain vivait en groupes hiérarchisés et où dormir en sécurité n’était pas chose si facile que de nos jours.


    Nb. Le Dr Olivier Walusinski a organisé en juin 2010, à Paris le 1er congrès international sur le bâillement avec d’éminents scientifiques venus du monde entier (toutes les informations sur le site du Dr Walusinski).


    Comme toutes les fonctions biologiques, le système gagne en performance par un phénomène d’anticipation qui nécessite une période d’adaptation parfois longue.
    Chez le mauvais dormeur, la reprise en main du rythme du sommeil peut nécessiter plusieurs semaines alors que la décompensation d’une insomnie ou d’une somnolence survient d’un seul coup.

    NB On retrouve cette caractéristique vis-à-vis de l’obésité où l’excès de poids est toujours "plus facile à gagner qu’à perdre").



  • Un équilibre qui dépend du terrain et des contraintes extérieures :
    • L’importance relative de chacun des balanciers est variable selon les circonstances et le chronotype.
      • Le poids du balancier Circadien (l’horloge) dépend de l’heure du réveil sur le nycthémère (cycle biologique jour/nuit).
        La période du balancement (le rythme circadien) peut être allongée ou raccourcie par les donneurs de temps en cas de décalage horaire.
      • Le poids du balancier homéostasique dépend de la pression de sommeil (fonction de la durée de la veille préalable). La présence de sommeil diurne par exemple (comme pour la sieste ou le soir devant la télévision) peut effondrer la pression de sommeil et conduire à l’insomnie.
        La période du rythme activité repos (normalement d’environ 24h) peut être raccourcie volontairement.
        - jusqu’à deux heures, comme pour les navigateurs solitaires ;
        - quatre heures en cas de sommeil polyphasique (le sujet arrive à rester performant en dormant 30 mn, toutes les 4 heures ;
        - six heures, comme le pratiquent les militaires en mission.
        - douze heures comme pour le sommeil biphasique de celui qui dort peu la nuit et fait régulièrement une sieste.
        En cas de libre cours (comme dans une grotte à l’abri du temps) ou de rythme hyper-nycthéméral (Cf glossaire du site) le rythme homéostatique peut atteindre 28 heures et même probablement plus.

        Le système à double balancier permet de modéliser les principales situations physiologiques ou pathologiques.
         [7].
        Quelques exemples :

          <img___|left>

        • Sujet "du soir" : ici, le besoin de sommeil est sous l’influence prépondérante du balancier homéostasique.

          En cas de privation importante de sommeil, la force relative du « sablier » est suffisante pour permettre le sommeil quel que soit l’horaire.
          Ce sujet pourra s’endormir rapidement même le matin au plus fort de l’ascension thermique éveillante (due à l’action du balancier « C » ).
          Certains types de dormeurs supportent ainsi très bien le travail de nuit sous réserve de savoir gérer leurs horaires de repos.
          Ce profil conduit parfois à un décalage de phase avec insomnie du soir et somnolence le matin.
          Les individus du soir sont pénalisés par les horaires trop matinaux.

          <img___|right>

        • Sujet du matin" : ici, l’Horloge Circadienne a l’autorité d’un véritable "réveille-matin" automatique.
          Ce sujet se réveille facilement même après une nuit très courte, et sera capable de travailler très tôt sous réserve de savoir parfois s’acquitter de ses dettes en faisant une sieste "circonstanciée"".

          Ce type d’individu est très sensible à « l’horloge » et se trouve incapable de dormir correctement en se couchant au matin (ce n’est possible que lorsque la pression de sommeil est très forte mais le sujet se plaint quand même d’un sommeil non réparateur).

          Il existe donc certaines véritables contre-indications au travail de nuit !.
    • L’inertie du système et des forces d’entraînement :

      Ces paramètres déterminent la typologie flexibilité-rigidité du dormeur.
      La capacité d’adaptation aux horaires imposés est très variable d’un individu à l’autre. Elle est moins facilement mesurable que la durée du sommeil, mais les études montrent chez certains individus des facultés d’adaptation hors du commun (et en grande partie génétiquement déterminées).
      Comme on le voit sur le modèle à double balancier, la tension du ressort ne change pas l’équilibre si le système est bien synchronisé.
      En cas de déphasage, par contre, son effet devient prépondérant.
      On voit que seuls les sujets très souples possèdent un système capable de supporter les rythmes de sommeil polyphasiques (comme ceux des navigateurs solitaires).
      Pour schématiser l’effet des médicaments, on peut considérer que les stimulants tendent le ressort et rendent le système plus sensible, alors que les tranquillisants contribuent à dissocier l’effet d’entraînement.
      Voir l’article Atelier du sommeil pour manipuler le modèle animé de la Balance-du-Sommeil®) ainsi que l’article très pédagogique Double-Balancier pour les Nuls.

    • Troubles du sommeil et rupture de l’équilibre.

      Les capacités humaines de résistance à un rythme de vie contrarié sont importantes mais non illimitées.
      La décompensation peut se traduire de deux manières : le déphasage (désynchronisation) des deux balanciers, ou le déséquilibre de la balance (l’alternance veille-sommeil).

      • Le déphasage provoque un mouvement chaotique aléatoire qui porte en médecine du sommeil le nom de "syndrome de désynchronisation interne" (voir les articles "travail posté" et "jetlag").
        Ces décalages horaires se traduisent par l’apparition de fatigue et de troubles du sommeil jusqu’à ce que les rythmes circadiens soient de nouveau en phase avec les synchroniseurs externes locaux.


        D’ailleurs, le fractionnement expérimental du sommeil provoque également un tableau clinique polymorphe de type fatigue et douleurs, similaire à la fibromyalgie et au Syndrome de Fatigue Chronique qui relèvent tout deux, selon nous, du même mécanisme physiopathologique.

        Nous pensons possible de regrouper les très nombreuses formes cliniques d’expression de cette fatigue sous le néologisme de "syndrome d’hyposommeil" que nous présentons dans la section "Sommeil et Médecine Générale" du site.

      • La rupture d’équilibre de la balance se traduit par une rupture de l’alternance veille-sommei, somnolence ou insomnie.
        Observons deux exemples :
        • Ici le manque quantitatif de sommeil provoque l’apparition de somnolence excessive (c’est le cas pour 10% de nos contemporains) :
        • Ici, l’excès quantitatif de sommeil provoque l’apparition d’insomnie (c’est le cas des insomnies acquises par retard de phase et grasse matinée).

  • Conclusion

  • La mouche, comme le lézard, l’aigle ou l’être humain sont des animaux diurnes.
    La souris, le cafard et la chouette sont des animaux nocturnes...

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    Devoir obéir au terrain génétique
    • La diffusion des règles d’hygiène du sommeil est devenue une priorité des pouvoirs publics car une meilleure connaissance des rythmes de sommeil pourrait être un des enjeux de l’adaptation de l’homme aux temps modernes.
      Nb : Le sport par exemple, est, sans qu’on le sache, une excellente association somnicamenteuse. (Cf les "Six somnicaments".
    • La prise en compte des caractéristiques individuelles et des rythmes physiologiques des individus est de plus en plus nécessaire au maintien des performances depuis "l’invention de la lumière électrique qui a tout foutu par terre" (Pr Jouvet ; Université de tous les Savoirs, 04/02/2000).

      Elle pourrait contribuer à mieux comprendre et prévenir des problèmes aussi divers que le stress au travail (Burnout) et les chiffres d’accidentologie.


      De par son efficacité pour lutter contre la somnolence, la sieste est la clé de voûte de la prise en charge de l’insuffisance de sommeil mais elle ne doit pas contribuer à retarder le diagnostic d’une somnolence pathologique (comme dans le syndrome d’apnée du sommeil).
      Son effet puissant peut être à l’origine d’une insomnie ou d’un décalage de phase et il faut savoir en respecter les contres indications.

      Voir les articles : "Sieste, mode d’emploi" et "Notice d’utilisation" ;
      Voir l’article : "Somnolence excessive" ;
      Voir l’article : "Syndrome d’apnée du sommeil" ;

    • Une meilleure compréhension des mécanismes qui contrôlent les horaires et la qualité du sommeil est, par ailleurs, essentielle à la prise en charge de l’insomnie (Vouloir Dormir) et de son corollaire : la fatigue, qui découlent de cercles vicieux cognitifs et comportementaux très difficiles à comprendre.

      Voir l’article : "Insomnie : Vouloir dormir" ;
      Voir l’article : "Fatigue" ;


NB : Le dernier prototype (06/06/2008) d’une animation du balancier est en ligne sur l’article "Double Balancier du Sommeil".

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Balancier Veille-Sommeil


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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1Borbely A.A. A Two-process Model of Sleep Regulation. Human Neurobiology 1 : 195-204, 1982

[2On a montré récemment qu’il existait, dans le noyau de chaque cellule, un code qui détermine un cycle activité/repos de 24h. En 1997, Joseph Takahashi et son équipe identifient chez la souris un gène qui, lorsqu’il est muté, allonge la période circadienne de 24 à 28h.
Dans des conditions de lumière ou d’obscurité constante, plusieurs souris mutantes perdent même toute forme de périodicité dans leur comportement. Non sans humour, Takahashi nommera ce gène "Clock" (comme « horloge » en anglais) , pour « Circadian Locomotor Output Cycles Kaput ». L’animal vit, ainsi, de manière totalement désynchronisée de la rotation de la terre.
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[3HOMÉOSTASIE : tendance des êtres vivants à maintenir constant et en équilibre leur milieu interne, capacité de l’organisme à maintenir ou à ramener les différentes constantes physiologiques (température, débit sanguin, tension artérielle, etc.) à des degrés qui ne s’écartent pas de la normale.
Nb : "Les équilibres dans l’organisme ne sont pas, en général, des équilibres statiques, mais des équilibres homéostatiques ; ils se maintiennent malgré des conditions externes variables" (RUYER, Cybern., 1954, p. 55).
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[4Nb : les rats sont indifféremment diurnes ou nocturnes, car leur rythme circadien dépend de l’apport de nourriture qui est, chez cette espèce, un "donneur de temps" très puissant.

[5Michel Siffre, un spéléologue, fut le pionnier de la chronobiologie lorsqu’en 1962, il s’intéressait au "rythme originel de l’Homme" avec les premières expériences d’isolation hors du temps.
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[6Rabelais, médecin, écrivain, distributeur de joies thérapeutiques et de bonté, est lui même
joyeux et éclatant de vitalité. Il est alors d’accord avec Hippocrate « si le public voyait au médecin le corps piètre et perdu, comment le croirait-il capable de soigner la santé des autres ». Il est d’accord également avec Ambroise Paré qui affirmait, dès 1597, dans son Introduction à la Chirurgie : « le chirurgien ayant la face piteuse rend à son malade la playe vermineuse ».
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[7Avec trois positions (minimum, moyen et maximum) pour sept paramètres variables cela donne environ 2500 combinaisons !
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