Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Fatigue Chronique

« Platon veut plus de mal à l’excès du dormir qu’à l’excès du boire » (Montaigne).

samedi 30 décembre 2006, par guilhem

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Syndrome de Fatigue Chronique : Une maladie invisible du sommeil : "se réveiller plus fatigué que la veille".

Nb. La sensation de fatigue ne doit pas être confondue avec de la somnolence.
La somnolence est réversible dès lors que la personne peut se permettre de fermer les yeux pour s’endormir (si elle n’est pas au volant d’une machine).
Certaines formes de fatigue, au contraire, s’aggravent en dormant.

Définition du Syndrome de Fatigue Chronique

Le Syndrome de Fatigue Chronique (SFC) est un tableau clinique associant depuis au moins six mois :

  • une sensation de fatigue intense, d’allure infectieuse (avec parfois une impression de fébricule ou de gonflement des ganglions), entraînant une réduction significative (au moins 50%) de l’activité,
  • des troubles de la mémoire, de la concentration et du caractère, pouvant laisser croire à un tableau de dépression ou d’anxiété,
  • des troubles fonctionnels intéressant plusieurs appareils (locomoteur, digestif, cardio-respiratoire etc...) et pouvant faire penser à des symptômes de « somatisation » (cf. hypocondrie, hystérie...) que l’on retrouve dans les attaques de panique et les troubles anxieux (Cf. "Phobies sociales et Agoraphobie"),
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    Se lever plus fatigué que la veille
  • des troubles du sommeil, constants mais souvent négligés (au début) par le malade et son médecin parce qu’ils se présentent de façon insidieuse :
    • - d’abord comme un tableau de somnolence excessive : "en ce moment je dors beaucoup",
    • - ensuite de clinophilie : "si, docteur, je dors quand même... mais le soir, à 19 heures, j’ai besoin de me reposer parce que je suis épuisé !",
    • - enfin d’une insomnie d’apparition tardive, lorsque le malade s’enfonce dans le cercle vicieux du "vouloir dormir à tout prix".


" fatigué, épuisé, abattu, fourbu, fracassé, claqué, cassé, scié, miné, pété, éclaté, décalqué, naze, essoré, vidé, pompé, à sec, hors service, H.S., anéanti, abattu, fini, mort, raide, cuit comme un légume fait, refait, surfait, comme une loque, un zombie, une éponge, une serpillière... à deux d’tension !..."
Cf. l’article "Système d’alarme"".

Diagnostic

Le diagnostic repose sur l’absence de pathologie sous-jacente pouvant expliquer le tableau. Un bilan complet (clinique, biologique, radiologique et psychologique) doit être pratiqué au moins une fois. Il permet d’éliminer les maladies infectieuses (HIV, hépatite) ou auto-immunes (sclérose en plaque, polyarthrite, lupus...), les maladies métaboliques (diabète, dysthyroïdie) ou les troubles psychiatriques (dépression, conduites addictives, dépersonnalisation, conversion...).

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Approche clinique des troubles fonctionnels neurodystoniques


Parfois le début de la maladie coïncide avec un épisode d’allure infectieuse (impression de fièvre, ganglions douloureux...) à tel point que les premières descriptions évoquent la responsabilité d’un virus (du type de la mononucléose), d’où son nom de grippe des « Yuppies » [1], ou de « patraquerie brucellienne » [2]
Mais aucune de ces hypothèses n’explique la persistance de la maladie au-delà de 6 mois en l’absence de toute perturbation clinique ou biologique franchement significative.


De récentes publications scientifiques semblent relancer l’hypothèse d’une composante infectieuse depuis la découverte d’un nouveau rétrovirus humain (XMRV).
Lire sur ’Agence de Presse Médicale (APM Media), du 8 octobre 2009 :
"Le rétrovirus XMRV (Xenotropic Murine Leukemia virus-related Virus) récemment observé dans le cancer de la prostate semble lié au syndrome de fatigue chronique, sans que l’on sache s’il existe un lien de causalité, selon une étude publiée dans le magazine Science".

Nb. Il n’y a pas à ce jour de confirmation de ces hypothèses et la fiabilité de ces études est régulièrement remise en cause...


Devant l’absence de signe objectif, on évoque un stress intense, une situation de surmenage excessif et souvent une dépression.

C’est ce qu’on appelait « patraquerie brucellienne » aux débuts de l’infectiologie.

Dans certaines cultures traditionnelles, devant l’échec de la médecine traditionnelle, on invoque les "diables" ou la sorcellerie (aux Antilles par exemple, on appelle « Blesse » un tableau analogue provoqué par le « déplacement du foie, de l’utérus... ») d’origine magique ou post-traumatique et se traduisant par de nombreux troubles fonctionnels (faiblesse, "gaz", douleurs...) qui restent médicalement inexpliqués. [3]


Remarque :
L’analogie clinique du SFC avec le Syndrome de la guerre du Golfe (qui ressemble lui-même au Syndrome des Balkans) est troublante (cf. les docs en bas de page).
On peut probablement en rapprocher également le « Karoushi » (manifestations du surmenage au Japon) ou le « burn-out syndrom » des anglo-saxons. (Cf. "Burnout et Karoushi".


Les origines (voire la réalité) de la maladie restent encore très controversées mais les congrès récents de rhumatologie multiplient les publications sur des perturbations objectives de certains neuromédiateurs du sommeil et des voies de la douleur.


Selon notre hypothèse, le SFC est une des formes cliniques du Syndrome d’hyposommeil et présente des liens étroits avec la spasmophilie (ou tétanie) ou la fibromyalgie.

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« Platon veut plus de mal à l’excès du dormir qu’à l’excès du boire »

Description clinique

  • Signes généraux d’allure infectieuse.

    La plainte s’organise parfois autour de sensations de « fièvre » (qui ne dépasse jamais 38/38,2°) et de chutes de tension accompagnant la fatigue. Des maux de gorge ou de ganglions sont fréquents mais peu spécifiques, ainsi que des céphalées polymorphes faisant souvent évoquer une « sinusite chronique ».
    Nb. Ce trouble (mineur) de la thermorégulation peut entraîner des frissons ou des chaleurs avec des suées pouvant être importantes, surtout le soir et la nuit.

    L’appétit est perturbé, anorexie ou boulimie (avec des croyances autour de la nourriture entraînant des régimes souvent trop rigides).
  • Les troubles psychiques prédominent avec des problèmes de mémoire et de concentration. Le sujet cherche ses mots, oublie « tout », éprouve des difficultés à lire ou à travailler.
    Il évoque volontiers son âge et la dégénérescence neuronale (crainte de la maladie d’Alzheimer).
    Même s’il est jeune, le sujet dit se sentir "comme un vieux".
  • Les troubles fonctionnels intéressent l’ensemble de l’organisme. Leur énumération ne saurait être exclusive car tous les circuits d’alarme sont concernés. Leur symptomatologie est toujours polymorphe, de siège et d’intensité variables, et elle est associée à une composante invalidante (« je n’en peux plus ») et angoissante (« j’ai peur que ce soit grave cette fois »).
  • Les troubles du sommeil n’apparaissent qu’à la lumière d’un interrogatoire pertinent. Ne pas demander au patient s’il dort bien (lors d’une famine, les gens sont affamés mais l’appétit est conservé !) mais plutôt, comment se sent-il au réveil ?

Prise en charge thérapeutique


La gestion de la fatigue passe par une parfaite connaissance des règles d’hygiène du sommeil.


En réalité les études récentes tendent à rapprocher le Syndrome de Fatigue Chronique et la Fibromyalgie. Il pourrait s’agir de deux variables cliniques d’un même tableau.
Certains auteurs s’attachent à distinguer des sous-groupes selon le type de symptômes. (Cf. Conférence de consensus)
Nous pensons que la perturbation initiale du sommeil est le dénominateur commun des différentes formes d’expressions de la fatigue.

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Un déficit de l’efficacité du sommeil

Les principales différences entre les « deux maladies » proviendraient surtout de la spécialité du médecin consulté :
- le rhumatologue, le spécialiste de la douleur ou le somnologue évoquent la fibromyalgie
- le neurologue connaît mieux le Syndrome de fatigue chronique
- le psychiatre penche pour des troubles anxiodépressifs
- de la même façon, pour les urgentistes, la « spasmophilie » (ou tétanie) qui est l’un des motifs d’appel les plus fréquents, est généralement considérée comme un problème de nature "psy".


On s’oriente de plus en plus vers la notion d’asthénie douloureuse pour regrouper les deux tableaux.

Un malentendu récurrent...
En pratique, les patients reprochent aux médecins leur attitude peu gratifiante à leurs yeux : ils n’ont droit qu’à un sédatif ("un quart de lexo") et à des paroles rassurantes...
Dans certains cas, on cherche à se rassurer en invoquant une quelconque explication ad hoc., qui conduit à la prescription d’un remède dont on ne pourra attendre, au mieux, qu’un effet placebo (donc provisoire).
Le magnésium par exemple, a longtemps rempli cette fonction. Il existait une large gamme de produits à base de magnésium "utilisés dans les états de fatigue".

Parfois le malade se tourne avec plus de succès vers d’autres médecines dites "alternatives".
Leurs résultats sont plus qu’aléatoires... Ces approches sont surtout une affaire de mode mais une partie de leur succès provient du fait qu’elles contribuent à apaiser la blessure narcissique de celui ou celle qui, à juste titre, n’accepte pas le diagnostic de "malade imaginaire" (cf. le "Pseudo faux malade").


Évolution :

Les malades qui ne trouvent pas un meilleur équilibre de sommeil se trouvent handicapés devant le moindre effort au point d’être mis en invalidité ou de choisir d’arrêter de travailler.

Mais l’évolution à long terme est malgré tout souvent rassurante !

Avec le temps... « l’arthrose », la colopathie, les vertiges, le lumbago, la migraine et les acouphènes... tous ces symptômes (pourtant si invalidants jadis) ne font petit à petit plus parler d’eux.
Comme pour la fibromyalgie (fréquemment qualifiée d’incurable), le syndrome de fatigue chronique est malgré tout de bon pronostic et s’amende peu à peu...

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Amélioration avec l’âge


- ceci contrairement à l’ensemble des autres maladies dégénératives (diabète, artériosclérose, polyarthrite...) qui deviennent de plus en plus invalidantes avec l’âge
- et contrairement aux maladies psychiatriques qui sont souvent marquées par des rechutes à l’interruption du traitement

Tout se passe comme si la personne devenue très âgée cessait enfin de se battre contre elle-même.
Quand le corps est si vieux qu’il a juste assez d’énergie pour continuer à vivre malgré la fatigue, la vraie, celle de l’usure du temps...


Voir les articles du site en lien avec le Syndrome de Fatigue Chronique :

Fibromyalgie

Spasmophilie
Insomnie : vouloir dormir
Fatigue ou somnolence ?
Burnout ou dépression ?
Dépistage de la dépression
Prise en charge intégrée de la dépression


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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1L’acronyme vient de l’anglais : Young Urban Professional ou "Yup", transformé familièrement en "Yuppie" dans les années 80.
Le Yuppie’s syndrome désignait une des premières formes décrites aux USA du syndrome de fatigue chronique (1988).
Le terme « grippe » suggérait une origine virale à cette curieuse épidémie qui frappait soudainement d’épuisement de nombreux cadres dynamiques américains.
Ces publications venues d’Amérique laissaient croire que ce mal mystérieux affectait seulement de jeunes adultes très compétitifs formés dans les hautes écoles, ou des "golden boys" fortement axés sur leur carrière. On sait maintenant que le SFC touche des personnes de tous âges et de tous milieux.

[2Le terme de « patraquerie brucellienne » désignait les signes d’une infection par la brucellose : fatigue et troubles fonctionnels tels qu’ils pouvaient conduire à faire pratiquer une psychothérapie lorsque les symptômes invoqués semblaient amplifiés par une note subjective.
Le malade se plaint de fatigue physique, psychique et sexuelle, de troubles du caractère, de douleurs musculaires, de névralgiques ou ostéo-articulaires, de sueurs au moindre effort.
L’examen est normal...

[3Un peu "d’ethno-fibromyalgie" ?
En Guadeloupe, il est une maladie mystérieuse pour le corps médical et bien connue de la population des régions reculées de la côte sous le vent.
C’est la "BLESSE" qui frappe les victimes d’un traumatisme en apparence anodin (la grippe, un accident, une dispute entre voisins...) mais qui est le point de départ d’un syndrome très proche de la fibromyalgie.
"Docteur, tout mon corps me fait mal et j’ai un "gaz" qui monte dans ma tête et descend dans mon estomac... Et je me sens lasse ! Même, même, même, même, même !"
Comme pour la fibromyalgie ou la fatigue chronique, les bilans à l’hôpital ne servent à rien dans ce tableau qui n’est pas un "bitin pour docteur" et il faut se tourner vers le sorcier (Kimboiseur) pour tâcher de soigner cette "maladie à Bon Dieu" avec les massages et les "kimbois" (magie) du "frotteur de blesse"...
En général, ce "traitement" est assez douloureux et les kimbois coûtent plutôt cher mais "il faut bien "kimmbé raid" (tenir bon)".
Kimmbé Raid moun Guadloup, ni un jouw ça ka finiw !!
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