Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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"Morning-lag" et fatigue

"Early to bed and early to rise makes a man happy, healthy and wise"
"Se coucher tôt et se lever tôt rend heureux, fort et sage."
Benjamin Franklin (1706-1790)

mardi 4 janvier 2011, par guilhem


Le "Morning-lag" est un des néologismes de "Sommeil et médecine générale" qui désigne les conséquences chronobiologiques d’un retard de l’heure du lever.
Lorsque le chronomètre homéostasique réclame du sommeil bien après l’heure du lever sur l’horloge circadienne jour-nuit, il se produit une désynchronisation du "Double-balancier" qui se traduit par une sensation de fatigue et l’apparition de troubles neurodystoniques (comme la migraine, la constipation ou le lumbago par exemple).

Ainsi, ce n’est pas tant la dette de sommeil qui fatigue, que la récupération qui survient à un mauvais moment sur l’horloge interne.
On peut résumer cette situation par la formule suivante :
"Dormir jusqu’à plus soif...
et pourtant se lever du mauvais pied !"

Voir "Néologismes pour ProSmg "

Rappel des deux consignes pour avoir sommeil :

1/- La première consigne ?
On ne dort que lorsqu’on a sommeil : « la règle des 20 minutes ».
C’est le temps maximum normalement nécessaire à l’endormissement. Lorsqu’on essaye de dormir dans de bonnes conditions (et on a vu comment), et que le sommeil ne vient pas, il vaut mieux sortir du lit pour au moins 20 minutes (pour aller jouer ou lire calmement).
En appliquant cette règle, on n’aura jamais peur du sommeil car ce que l’on redoute plus que tout quand on n’a pas sommeil, c’est l’attente interminable...

Randy Gardner en 2007

2/- La deuxième consigne ?
Il faut respecter les portes du sommeil : « tout sommeil n’est pas toujours bon à prendre ».
L’homme est très bien armé pour s’adapter à des privations ponctuelles de sommeil. En d’autres termes, il est facile de payer des dettes de sommeil circonstancielles (veillée, danger, événement nocturne imprévu...). Le sommeil de compensation sera plus profond mais il ne sera pas nécessairement plus long.

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Des zones de sommeil obligatoire et des zones de sommeil interdites...


De plus, en observant l’architecture du sommeil, il est facile de comprendre que le sommeil profond étant prédominant en première partie de nuit, il est toujours préférable de se coucher plus tôt que de se lever plus tard pour rattraper une dette de sommeil.
Enfin, on sait qu’il est interdit de dormir aux moments de la journée qui correspondent à une période d’éveil maximal (le matin après 9h et l’après-midi après 16h).
Il faut donc absolument éviter de provoquer une désynchronisation des balanciers en dormant durant une période de la journée programmée pour l’éveil. La seule façon de payer ses dettes c’est donc de se coucher plus tôt.

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Récupération qualitative

Lorsqu’on récupère du temps de sommeil trop tardivement dans la fin de matinée, il se produit du sommeil durant une phase d’éveil maximal (c’est à dire en période de température ascendante) [1].
Ce sommeil diurne présente très peu de sommeil profond.
Il n’est donc pas récupérateur sur l’angle de la fatigue, mais il contribue à désynchroniser encore davantage l’horloge interne jour-nuit.

Hypothèse chronobiologique du "morning-lag"

On sait que le sommeil dépend d’un système à deux processus.
- 1/. Le chronomètre de la durée de sommeil et d’éveil, qui tourne sur 24 heures avec une moyenne de 16 heures d’éveil pour 8 heures de sommeil.
Il est très difficile de s’endormir quand il n’y a pas au moins 16 heures d’éveil sur ce chronomètre. C’est pourquoi la sieste même très courte peut retarder l’endormissement nocturne chez les personnes insomniaques.
Inversement, au-delà de 18 ou 20 heures d’éveil, la pression de sommeil est telle que la vigilance baisse et qu’on risque de s’endormir à tout moment même sans en avoir conscience.

- 2/. L’horloge interne jour-nuit, qui augmente la pression d’éveil durant le jour et abaisse la pression d’éveil durant la nuit.
Cette "horloge de chair" (comme disait le spéléologue Michel Siffre) est mise à l’heure le matin sous l’influence des signaux extérieurs que sont les 6 somnicaments d’éveil : la lumière, la position debout, la faim, l’activité physique, les contacts sociaux et le plaisir.

Pour bénéficier d’un sommeil efficace, les deux processus doivent être totalement synchronisés

Il faut qu’il fasse nuit lorsque le chronomètre affiche 16 heures d’éveil.
Il faut qu’il fasse jour lorsque le chronomètre affiche 8 heures de sommeil.

Celui qui se prive de sommeil le soir et qui prolonge le sommeil le matin, laisse, en quelque sorte au chronomètre le soin de choisir librement le moment du réveil.
C’est ce qu’on appelle la "grasse matinée", mais cela signifie aussi qu’il dormira à un moment où l’horloge a l’habitude de recevoir des signaux d’éveil.
Ce grand écart entre les deux systèmes risque de s’amplifier si, le soir venu, la personne essaye de dormir tôt. Le chronomètre n’aura pas 16 heures d’éveil... et il sera difficile de trouver le sommeil "avant l’heure".

"Avant l’heure c’est pas l’heure...
mais après l’heure, c’est plus l’heure !"

Le cerveau est capable de se maintenir en éveil si la personne se motive pour dormir, se fâche de ne pas y arriver et panique en pensant à la journée à venir.
La volonté, la colère et la peur sont des sensations qui provoquent physiologiquement l’éveil. Lire "vouloir dormir".
Cette hyper-activation du cerveau risque de ne permettre le sommeil qu’au cœur de la nuit, quand la pression de sommeil maximale sur l’horloge.
Si le chronomètre reprend la main durant cette période de sommeil tardive, il entraîne un réveil encore plus en retard par rapport à ce que ne le voudrait l’horloge interne jour-nuit.

Etc...

Une désynchronisation analogue à un jetlag

Le jetlag est le nom qu’on donne à l’ensemble des troubles qui apparaissent en cas de désynchronisation des horloges internes, consécutive au franchissement de plusieurs fuseaux horaires en avion.
Ces troubles sont en tous points identiques à ceux que l’on observe en médecine générale dans un contexte de fatigue chronique.

Selon nous, il faut en chercher l’origine dans les rythmes de sommeil durant les semaines qui précèdent.

Le phénomène de la goutte d’eau...

On observe dans les enquêtes épidémiologiques que la plainte de fatigue (et donc l’insomnie), tout comme les troubles fonctionnels neurodystoniques, présente un fort caractère familial : il y a des familles de migraineux, des familles de lombalgiques, des familles de constipés, des familles de spamophiles, et aussi des familles d’insomniaques.
Une grande étude est en cours pour rechercher les gènes qui pourraient expliquer certaines corrélations parmi les paires de jumeaux qui ont en commun l’un des ces troubles. (réf ?)

Selon notre hypothèse, il semble logique que cette susceptibilité à la fatigue soit due à une fragilité de l’équilibre du Double-balancier.
Certains chronotypes seraient à ce titre plus exposés que d’autres.


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Quelques liens externes pour en savoir plus...

"La qualité de la marchandise transportée compte autant que la longueur du train."

Que "transportent" donc les trains du sommeil ?
Ce sont des trains de marchandise, ils transportent du sommeil !
Mais, plus exactement, deux sortes de sommeil assez différents l’un de l’autre.
En réalité, Il n’y a pas un sommeil mais bien deux ! :

- Le sommeil qu’on appelle : « Lent » qui répare de la fatigue de la veille C’est un sommeil fait d’ondes lentes sur l’Eeg. C’est le moment où le cerveau recharge véritablement ses réserves d’énergie.
- Le sommeil qu’on appelle : « Paradoxal », qui prépare l’organisme pour la journée du lendemain. C’est un sommeil comportemental profond mais qui, sur l’Eeg, ressemble « paradoxalement » à de l’éveil. Le cerveau y est très actif et consomme beaucoup d’énergie.

D’abord, en début de nuit, les trains contiennent beaucoup de sommeil lent et très peu de sommeil paradoxal (c’est logique : il faut recharger les accus).
En fin de nuit c’est l’inverse et il y a beaucoup de SP dans les derniers trains du matin. (C’est la raison pour laquelle on ne se rappelle plus d’avoir rêvé le matin.)
chez l'adullte comme chez l'enfant, le sommei profond prédomine en début de nuit.
Ainsi, il n’y a pas un mais deux sommeils : Le sommeil qui répare et le sommeil qui prépare.
Et leur répartition au cours de la nuit, qui constitue l’"architecture du sommeil", peut être déterminante pour le résultat final du sommeil qui sert à se réveiller en forme.

Lorsqu’on a des dettes de sommeil, c’est comme si on rate un train. Il suffit de prendre le prochain, qui sera bien plus chargé en sommeil.
Mais les dettes de sommeil ne se rattrapent jamais heure pour heure (comme le démontre l’actualité avec le retour des marins de la course autour du monde en solitaire du Vendée Globe... en pleine forme après 84 jours de mer... au volant d’un bateau de course !

Au total

La règle est simple : lorsqu’on a des dettes (ou qu’on pense en avoir), il faut choisir de se coucher plus tôt que d’habitude, en appliquant la consigne des 20 minutes : se relever en cas d’insomnie pour s’occuper calmement au moins 20 minutes.
Chez les personnes qui souffrent de sommeil instable, le décalage de l’heure du lever peut entraîner de profondes perturbations de la qualité du sommeil et de la pression d’endormissement le soir suivant.
Ainsi par exemple, les personnes migraineuses se rendent parfois compte que "30 minutes de sommeil en trop" peuvent suffire à les clouer au lit toute la journée. C’est une explication à la recrudescence des migraines le dimanche ou durant les vacances.


[1On peut observer que cette situation est anormale en regard des besoins vitaux de l’humanité qui n’avait pas d’autre possibilité que de se nourrir durant la journée.