Sommeil et médecine générale

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Paupière et fatigue

"Les chercheurs ont conclu que l’apparition de blepharospasme était retardé de l’ordre de 1,7 an par tasse de café supplémentaire journalière"
(lu sur news.softpedia.com (19th of June 2007).

, par guilhem

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Longtemps mis sur le compte d’une hypothétique carence en magnésium, le spasme des paupières est selon nos hypothèses un symptôme précoce et donc extrêmement courant d’un syndrome d’hyposommeil.
Comme tous les troubles fonctionnels, il est à la fois inquiétant, capricieux, résistant et bénin.
Il suscite donc de nombreuses consultations et bilans à l’issue desquels le "rôle du magnésium" est souvent mis en avant (par habitude et facilité de prescription).
Le "Faux Vrai-malade" (souvent encore très jeune) se contente de "recharger" son magnésium et ne prend dès lors jamais conscience de la fragilité de son équilibre chronobiologique et de l’importance de l’hygiène du sommeil.
(Cf. "Faux Vrai-malade").


Le fonctionnement de l’œil et de ses annexes est à la fois très rapide et très automatisé. Il en va de même pour le clignement des paupières qui est le réflexe le plus bref de l’organisme.
Il est pourtant frappant de constater que les pathologies du sommeil ne sont pratiquement jamais évoquées devant un tableau de troubles neurodystoniques affectant les paupières.

Le blépharospasme ou spasme des paupières, (« contractions toniques, cloniques ou tonico-cloniques du muscle orbiculaire des paupières » Méd. Biol. t.1 1970) est la sensation souvent très agaçante de petites secousses d’une paupière inférieure intervenant par crises plus ou moins répétées (que ne remarque pas toujours l’entourage). Ce symptôme est le plus souvent négligé dès lors qu’il ne gène pas la vie courante.

Dans notre expérience, la première cause de blépharospasme bénin est le manque de sommeil. Ce phénomène appartient à la liste des troubles fonctionnels synonymes d’hyposommeil. Comme beaucoup de ses analogues, il a longtemps été mis sur le compte d’une hypothétique carence en magnésium, par analogie à la « spasmophilie (ou tétanie) ».

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Jusqu’en 1992, la responsabilité d’un déficit en magnésium était communément admise et on peut encore lire sur certaines boîtes de médicaments à base de magnésium : « Carences et déficits en magnésium entraînant irritabilité, stress, fourmillements, frémissements des paupières, nervosité »
Pour autant, depuis 1989, il est admis qu’il n’est pas légitime d’effectuer le dosage du magnésium. (Cf. "spamophilie")

Exemple

Mlle F. est une adolescente qui consulte pour difficultés scolaires. Au cours de l’entretien elle bâille plusieurs fois et on apprend qu’elle éprouve beaucoup de difficultés à s’endormir le soir (alors qu’elle doit se lever à 7h). Le week-end, elle se couche donc encore plus tard depuis qu’elle a l’âge légal pour sortir en boîte de nuit et dort la majeure partie du dimanche. D’un point de vue fonctionnel, F. se plaint de règles irrégulières et douloureuses, de vertiges orthostatiques et de spasmes de la paupière inférieure (ses parents pensent qu’il s’agit d’un manque de magnésium).

Discussion

L’application de mesures d’hygiène du sommeil (Cf. "La sieste", "Les Somnicaments"), destinées à mieux savoir gérer le déficit pourra éviter bien des déboires à cette jeune fille alors que la supplémentation magnésique ne lui sera pas d’un grand secours lorsqu’elle devra affronter d’autres difficultés de vie.

Lorsqu’on pense à les rechercher, les secousses de la paupière se retrouvent quasiment systématiquement à l’interrogatoire des sujets en insuffisance de sommeil. Ce signe a valeur de signal et préfigure bien souvent un symptôme plus bruyant (formes associées avec la migraine, le torticolis ou la crise de spasmophilie (ou tétanie)).

En pratique, le malade ne fait que rarement le lien avec la fatigue.

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Pieter Bruegel l’Ancien (1525-1569), (détail d’un vieillard)

Comme la migraine, le blépharospasme peut devenir un véritable handicap et les malades sont orientés vers des traitements spécialisés par injection paralysantes du muscle ou par « petites » opérations chirurgicales (qui ont le défaut d’être irréversibles).
En dehors des rares causes lésionnelles spécifiques, on s’expose là à des complications iatrogènes [1] fréquentes et une enquête somnologique préalable devrait être indispensable.

Le lien étroit qui unit les muscles oculomoteurs et le système nerveux automatique explique pourtant aisément pourquoi le « stress » et les contrariétés font partie des causes reconnues de certains blépharospasmes authentiques en l’absence de pathologie décelable chez l’ophtalmologue ou le neurologue.

NB : Le « blépharospasme handicapant » appartient au large tableau neurologique des « dystonies ». Pour une information complète, consulter le site de l’Association des malades atteints de dystonies ou l’Association des Personnes Atteinte d’un Blépharospasme (en bas de page).

Certains blépharospasmes d’origine lésionnelle (qui ne sont pas en rapport avec le sommeil) peuvent être accompagnés de serrement de la mâchoire ou d’ouverture de la bouche, de grimaces et de spasmes linguaux, réalisant ainsi le syndrome de Meige ou syndrome de Bruegel (en référence au peintre Flamand dont une peinture "Les vieillards" évoque cette grimace)

Attention, l’existence de ces tableaux parfois dramatiques ne doit pas faire oublier que les spasmes des paupières ou les torticolis sont, chez la plupart des sujets, très fréquemment bénins et réversibles. Ils ont, par contre et comme tous les troubles fonctionnels, la caractéristique de susciter une inquiétude majeure et d’être difficiles à traiter. (les quatre signe cardinaux des troubles fonctionnels : handicapants, inquiétants, capricieux et, malgré tout, bénins).

Selon nous, en dehors des rares formes atypiques ou lésionnelles, et quel que soit le traitement associé, la prise en charge de la fatigue est le meilleur des traitements.
A ce titre, il serait probablement fructueux de pratiquer des études orientées sur le sommeil chez les malades "neuro-dystoniques" car la plainte de fatigue fait systématiquement partie du tableau.
Inversement, ces symptômes sont fréquents chez les malades fibromyalgiques (Cf. "Fibromyalgie).

L’apprentissage des règles d’hygiène du sommeil peut représenter une alternative aux traitements difficiles du blépharospasme d’autant que les chances de guérisons spontanées sont grandes.

Par ailleurs la recherche de ce symptôme peut participer au dépistage d’un manque de sommeil chronique dont souffrent 10% à 30% des Français. La somnolence diurne excessive qui en résulte passe souvent inaperçue alors que selon nous, elle se manifeste précocement par de nombreux symptômes fonctionnels comme le blépharospasme.


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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1La iatrogénie ou l’adjectif iatrogène s’emploient pour désigner : " toute conséquence indésirable pour la santé de tout acte médical visant à la préserver" (Conférence Nationale de Santé, 1998)
(Cf. "Glossaire du site").