Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Migraines et mal de tête

"Une demi-heure de sommeil en trop et je reste couchée pour toute la journée..." dixit tante Edith, migraineuse de longue date.
Le rapport entre le sommeil et la migraine est bien souvent mieux compris par les malades que par leur médecin.

, par guilhem

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Qui n’a jamais eu « mal à la tête » ?

Ce symptôme banal disparaît la plupart du temps spontanément ou avec un antalgique simple, et donne rarement lieu à une consultation médicale.
Ailleurs, de l’autre côte de l’échelle des céphalées, se situe la migraine qui entraîne un handicap quasi total (mais heureusement provisoire).


La migraine donne lieu à des explorations complémentaires souvent inutiles au terme desquelles on évoque volontiers le stress.
Ces théories psychologiques "ad hoc" ne prennent pas en compte les notions de chronobiologie du sommeil.
Pourtant, selon notre expérience, l’éclairage somnologique des céphalées permet d’engager un véritable processus de guérison.

Lésion cérébrale ou maladie psychosomatique ?
La tension artérielle ou le stress ?
Et si c’était simplement un dérèglement les horloges du sommeil ?

Remarque préliminaire :
Hormis les très rares causes de céphalées directement liées à une hypertension artérielle "maligne" (au cours de la grossesse p.e.) ou à une malformation vasculaire du cerveau, la migraine n’est jamais due à une hypertension artérielle.
Par contre, de très nombreux migraineux "voient" (en auto-mesure) monter leur tension lors d’une crise douloureuse (ce qui est une réaction normale à la douleur).
Il devient dès lors très difficile pour le malade et son entourage de faire la part des choses...

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Cf. Doc en bas de page

Lorsque le bilan (très poussé en général [1] ) s’avère normal, la multiplication des avis conduit le malade vers des considérations de nature psychologique :
Un exemple de cette dérive : Cette mère de famille consulte pour des migraines survenant avec prédilection tous les dimanches et jours fériés... et qui passent curieusement du jeudi au mercredi lorsque l’Éducation Nationale décide (dans les années 60) d’avancer d’un jour le repos des écoliers :
- "Cela montre que, inconsciemment, vous n’aimez pas vos enfants, madame", lui annonce un jour, doctement, un psychologue consulté en dernier recours.
Ce type de raccourci entre la cause et l’effet, revient à faire fi du sommeil et des notions de chronobiologie. Il faut savoir considérer l’importance et les conséquences (selon nous, capitales) de la petite grasse matinée que s’octroie ces jours là cette maman surmenée avec ses trois enfants.


En pratique, selon nous, la personne migraineuse qui fait le lien entre son rythme de sommeil et ses migraines fait un grand pas vers la guérison.

Le stress, la fatigue ou la sieste ?

En règle générale, le malade n’a (par définition, Cf . "Système d’alarme") pas conscience de sa fatigue.
Il pense que sa crise est une sorte de réaction « normale » à un contexte de surmenage ou d’événements de vie difficiles.
En l’absence de cause organique, on se contente de poser le diagnostic de "migraine simple" et l’attention se porte uniquement sur le traitement de ce « mal du siècle » (On note que les médicaments de la migraine font l’objet d’un marketing très puissant).
Il est plus rapide de prescrire un "anti-migraineux" que de réfléchir à la cause.
Devant la mise en échec de ces traitements, certains malades en arrivent même à cesser de consulter pour souffrir en silence alors que d’autres s’engagent vers la piste (parfois obsessionnelle) du régime (p.e. sans gluten...) qui leur donne l’illusion de contrôler leurs crises.

Dans le cadre du « syndrome d’hyposommeil », la migraine s’inscrit dans un continuum clinique allant de la simple sensation d’ankylose ou de raideur des muscles de la nuque, en passant par la céphalée de tension, et jusqu’au véritable état de « mal migraineux » que voient parfois les neurologues ou les urgentistes hospitaliers.

Ce contexte de "sensation d’urgence" donne particulièrement lieu à des conflits entre le malade qui se sent "mourir" et le médecin compétent qui essaye de limiter le recours aux examens complémentaires inutiles ou dangereux (ponction lombaire ou scanner en urgence intempestifs).


Certains malades procéduriers ou obsessionnels renouvellent sans fin les avis médicaux et vont même jusqu’à considérer qu’il sont "mal soignés" si l’on ne cède pas à leur demande. [2]

Cas clinique

Mr D. est médecin généraliste et assure la continuité des soins 24h/24.
Depuis des années, il ne peut assurer ses consultations lorsqu’il lui arrive une crise de migraine. Il est alors obligé de se coucher et d’attendre que le médicament agisse. En général, la crise commence dès le réveil.
Habituellement il est prévenu la veille au soir par les symptômes annonciateurs que l’on nomme « l’aura de la crise ». Chez lui cela se manifeste par une sensation électrique dans la nuque et des mouches visuelles.
Quel que soit le médicament qu’il prend, la douleur insupportable qui lui traverse le crâne ne passe que lorsqu’il arrive enfin à dormir. Sa famille et ses patients sont alors prévenus de ne le déranger sous aucun prétexte.
Pour autant, il se méfie des rares siestes ou grasses matinées trop longues qu’il lui arrive de devoir faire car le remède est souvent pire que le mal et le réveil est marqué par des crises incompréhensibles.

Discussion

Le sujet migraineux est très souvent extrêmement volontaire et résiste longtemps au surmenage mais comme nul n’est inépuisable, cette résistance l’amène régulièrement jusqu’au seuil de déclenchement de la crise.
Comme tous les symptômes d’hyposommeil, la migraine à valeur de signal d’alarme et ne passe que lorsque le sujet s’acquitte de ses dettes de sommeil.

La crise n’intervient donc que chez les sujets résistants et suffisamment « sourds » à la fatigue. Tout se passe comme si c’était le cerveau qui gagnerait contre la volonté.
L’"aura" est à considérer selon nous comme une manifestation neurodystonique de l’organisme épuisé au stade de décompensation des capacités de résistance. Tous les sujets fatigués ne déclencheront pas de migraine mais tous les migraineux sont fatigués et utilisent toutes leurs forces pour résister.

Le caractère fréquemment familial de la migraine s’explique par le fait que le sommeil est génétiquement programmé. L’équilibre chronobiologique des "Balanciers du sommeil" est, chez certains sujets, plus instable que chez d’autres (et ce, indépendamment du niveau d’intensité du "stress").

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Un liste de mauvais dormeurs qui l’ignorent ?


Cette susceptibilité individuelle se traduit par une réaction neurodystonique en cas d’insuffisance qualitative (ou quantitative) du sommeil.

Rappelons ici que la migraine fait partie du tableau clinique observé chez les travailleurs de nuit inadaptés au sommeil diurne.
Seule une approche somnologique (chronobiologique) de la migraine et, parfois, l’utilisation ponctuelle d’un somnifère (de préférence avant le déclenchement de la crise), pourrait, selon nous, contribuer à en contrôler l’apparition...

Pourtant, dans notre expérience, alors que tous les malades admettent qu’ils étaient épuisés et que la crise ne passe qu’en dormant, bien peu comprennent le rôle du sommeil dans la genèse des crises.
Cela provient, selon nous, du fait qu’il existe souvent une hypersomnie compensatoire à l’approche de la crise et que le sujet pense, au contraire, beaucoup dormir.
Il faut de plus souligner le rôle délétère des "petits tranquillisants" que le sujet consomme "pour se calmer" lorsqu’il est en situation de devoir résister à un évènement somnotoxique, et qui contribue à masquer le trouble du sommeil sous-jacent à la migraine.
Rappelons ici que les benzodiazépines (et leurs équivalents plus modernes) sont considérées par les spécialistes comme des anti-sommeil puisque aucun de ces produits n’améliore effectivement la qualité du sommeil (au contraire...).

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Manuel d’électroencéphalogramme de l’adulte Par Chantal Hausser-Hauw, Masson 2007

Remarque :

La migraine chez l’enfant s’apparente souvent à une "crise de foie"

"La majorité des enfants migraineux font l’objet de diagnostics erronés."
Encore plus que chez l’adulte, les troubles digestifs dominent le tableau. L’enfant est en pleurs pour des coliques (sans diarrhée) et se plaint de nausées (avec parfois un vomissement alimentaire).
Comme chez l’adulte, la crise survient dans un contexte d’irrégularité des horloges du sommeil (week-end prolongé, réveillons...).

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Source : Inpes, migraine chez l’enfant


Elles se répètent plus ou moins régulièrement, mais dans l’intervalle, l’alimentation, la croissance et le comportement de l’enfant sont tout à fait rassurants.

Un seul conseil somnicologique ?
Respecter la régularité de l’heure du réveil, quelle que soit l’heure à laquelle on s’est endormi.

Dans notre expérience, les céphalées et les migraines sont très souvent des troubles en relation avec un "morning-lag", c’est-à-dire avec le décalage des horloges internes analogue au jetlag, à l’occasion d’un rebond de sommeil.
Il faut savoir choisir de se réveiller à heure fixe, quitte à faire une courte sieste et/ou à se coucher plus tôt le soir suivant.
Lire l’article sur la Sieste, indications et contre-indications.

Voir aussi quelques articles connexes sur le site "Sommeil et médecine générale"
- Troubles Fonctionnels et sommeil
- Rhumatismes et sommeil


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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1Une migraine "classique" ne nécessite aucune investigation complémentaire à condition que la crise réponde aux critères habituels de migraine typique, et que l’examen clinique et neurologique soit normal.
La pratique de scanner à répétition est inutilement coûteuse et les ponction lombaires que subissent parfois (trop souvent) les malades aux urgences sont elles mêmes à l’origine de complication migraineuses !

[2En référence à une malheureuse expérience de consultation aux urgences (en décembre 2006) : Une personne déplaisante et probablement assez névrosée s’était montrée "très choquée" qu’on lui refuse ces examens pourtant jugés inutiles (ponction lombaire et scanner). Il s’en est suivit une plainte calomnieuse ("je n’ai pas été bien soigné... etc...") et une procédure Ordinale très déplaisante pour le médecin de garde cette nuit là.
Nous formulons ici (sans trop y croire) le vœux que cette personne parvienne un jour à comprendre son erreur...