Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Système d’alarme

« La santé, c’est le silence des organes. »
René LERICHE 1879-1955. Chirurgien Français, spécialiste de la douleur.

samedi 21 octobre 2006, par guilhem

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« La plus grande partie du corps ne parle que pour souffrir.
Tout organe qui se fait connaître est déjà suspect de désordre.
Silence bienheureux des machines qui marchent bien. »
(Paul VALÉRY / Cahiers I / Bibliothèque de la Pléiade, 1973)
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DE quoi souffre donc le 98% restant ?

50% des lits d’hôpitaux en France seraient occupés par des malades souffrant de troubles fonctionnels inexpliqués.

En médecine générale, "Parmi les dix motifs de consultations les plus courants (Douleur thoracique, Fatigue, Vertiges, Migraine, Œdème, Douleur dorsale, Dyspnée, Insomnie, Douleur abdominale, Engourdissement), moins de 2% a une origine organique" (Kroenke et Mangelsdorff, 1959).

« La santé, c’est le silence des organes. »

La douleur est le "langage" du corps.

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comme un tableau de bord

Pour assurer le bon fonctionnement de l’organisme, le cerveau traite, de façon automatique et silencieuse, des informations qu’il reçoit en permanence de la périphérie.
Ainsi, l’équilibre, la respiration, la tension, la digestion, (...) sont des fonctions complexes qui sont prises en charge automatiquement par le système nerveux autonome (SNA).
Ce système automatique fonctionne silencieusement dès lors qu’il peut se passer de faire appel à la partie consciente du cerveau.
Dans le cas contraire, "un signal s’allume sur le tableau de bord" sous la forme d’un trouble fonctionnel, d’une gène ou d’une douleur qui semble vouloir signaler une maladie, une blessure ou un danger quelconque :

  • la gorge ou la vessie sont le siège de brûlures en cas d’infection,
  • l’intestin provoque des vomissements en cas d’obstacle (occlusion),
  • la poitrine est comme prise dans un étau en cas d’angor ou d’infarctus,
  • la méningite entraine des troubles de la conscience, des vomissements, de la fièvre ...

Pourtant, en pratique courante de consultation médicale, il est de nombreux cas où le corps fait entendre un "bruit"(une douleur) que n’explique aucune lésion objective.

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    Facile à diagnostiquer ...
  • "- alors c’est quoi, mon mal de gorge, docteur ? - ... c’est un mal de gorge !
  • - alors c’est une angine ? - ... non, je ne vois rien !
  • - mais j’ai vraiment mal ! - ... oui, c’est un mal de gorge !"
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Limite de déclenchement


Sur le tableau de bord, certains voyants s’allument comme s’il y avait un danger et attirent l’attention du propriétaire. Mais l’intervention des secours (médecin, pompiers, police) ne règlera pas le problème si l’alarme s’est déclenchée par simple erreur de réglage, comme c’est le cas ici.

"Mais elle est pourtant bien inquiétante cette alarme qui sonne sans cesse, ce n’est pas normal et il faut consulter pour que ça s’arrête ..."


Selon notre hypothèse (Cf. "présentation du site", le fonctionnement automatique du corps est très sensible à une baisse de la qualité du sommeil que nous appellerons "Hyposommeil".
L’hyposommeil est un sommeil inefficace vécu comme "non reposant".
Le "Syndrome d’hyposommeil" est défini par l’ensemble des troubles fonctionnels inexpliqués qui apparaissent, dans un contexte de fatigue.
Ces troubles fonctionnels qui ont valeur de signaux d’alarme se manifestent à un stade très précoce de la fatigue, et ce, bien avant l’apparition de troubles du sommeil proprement dits (comme l’insomnie ou la somnolence).
Le sujet arrive à dormir mais n’arrive plus à rester en forme et se sent même fatigué des le premier réveil.
Il redoute de plus en plus les surcharges de travail et chaque évènement de vie occasionne une réaction de stress excessive.


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Tenir jusqu’au bout

Recueil d’expressions populaires pour désigner la sensation de manquer d’énergie pour finir la journée :

Le langage commun a su inconsciemment désigner, par une multitude d’expressions populaires, le lien qui existe entre l’événement stressant, la fatigue, et les troubles fonctionnels.


Par exemple : "Ce travail me gonfle et j’en ai plein le c... et ras-le-bol", signifie en réalité :
"Je constate, en observant mes troubles digestifs, que mes conditions de travail ont un impact inacceptable sur mon sommeil".

Pourtant, à ce stade, le lien avec le sommeil est encore inconscient car le sujet développe des mécanismes de compensation pour "tenir bon".
C’est justement cet état de résistance qu’il exprime au travers de ces expressions populaires qui sont de véritables "synonymes de fatigue".
Cette fatigue se traduit par une alarme fonctionnelle dès que les mécanismes normaux d’adaptation au stress se trouvent dépassés.
En clair, le sujet dans l’adversité ne sait pas encore que son sommeil dysfonctionne et tout au plus, se contente d’essayer de dormir davantage pour reprendre des forces.

Fatigue et troubles fonctionnels sont de véritables synonymes !

La section fatigue :
  • fatigué, épuisé, abattu, fourbu
  • fracassé, claqué, cassé, scié, miné, pété, éclaté
  • décalqué
  • naze, zombie
  • comme une loque, une éponge, une serpillière
  • essoré, vidé, pompé, à sec
  • hors service (H.S.
  • anéanti, abattu
  • à deux d’tension
  • fini, mort, raide
  • cuit comme un légume
  • fait, refait, surfait
  • etc ...
La section douleurs et troubles fonctionnels :
  • Vertiges : azimuté, saoulé, dans le gaz, le pâté, le brouillard, le coltard
  • Troubles digestifs : ("gastro" :ras-le-bol, ça me gonfle,
  • Hémorroïdes : (plein le c..l)
  • Migraine : (plein la tête)
  • Douleurs : plein les bottes, les talons, les seins, les c...lles
  • Rhumatismes : sur les genoux, les rotules, plein le dos
  • Myalgies : éreinté, fourbus, "daubés", raide
  • Dermatologie : cela me donne des boutons
  • fièvre infectieuses : ça me fait suer
  • etc ...

En apparence, le sommeil reste préservé, voire augmenté (au début).
Sans l’éclairage de la somnologie, ni le médecin, ni le malade ne pensent à en faire le dénominateur commun entre les états de fatigue et les troubles fonctionnels.
Le malade se plaint du symptôme mais jamais (spontanément) du sommeil.

L’interrogatoire doit rechercher cinq points symptomatiques, selon nous, d’un sommeil inefficace :

  • Une sensation de se réveiller plus fatigué que la veille au soir.
  • Un sommeil (souvent plus long que d’habitude) parsemé de besoins d’aller uriner (pollakiurie nocturne).
  • Le besoin (parfois dès le matin), de se reposer dans la journée et de se coucher tôt.
  • Le contraste entre cette fatigue et les allégations du sujet qui considère paradoxalement "bien dormir".
  • Le refus catégorique d’un arrêt de travail (même quand celui-ci est possible, car on ne met pas une mère de famille, ou une infirmière libérale, en "arrêt de travail" aussi facilement qu’un employé des postes ...).

Leur présence, dans ce contexte de troubles fonctionnels (handicapants, inquiétants, capricieux et sans séquelles) devrait conduire à un diagnostic de syndrome d’hyposommeil.

La conjonction de trois facteurs est nécessaire pour faire décompenser le système

  • un terrain de sommeil déjà fragile (congénital ou acquis : surmenage, traumatisme ...) ;
  • une forte personnalité capable de résistance et d’altruisme (capable de résister longtemps contre les difficultés) : vie associative, mode de vie d’hyperactif, grand sportif, grand fêtard, militaire, mère de famille ...) ;
  • la survenue d’un nouvel évènements de vie à fort potentiel somnotoxique (mais parfois en apparence bien anodin).

Alors le système "monte en sur-pression" ...

Certains voyants se mettent à clignoter. C’est le stade des troubles fonctionnels passagers : constipation, ballonnements, courbatures, maux de tête, spasmes des paupières, palpitations, pseudo-hypoglycémie ou chute de tension...
Le médecin a des paroles rassurantes et délivre un petit traitement "symptomatique"...

Lorsque l’aiguille passe dans le rouge ...

D’autres alarmes se mettent à sonner.
Les symptômes deviennent plus prégnants et suscitent encore plus d’inquiétude : le sujet consulte pour des malaises, coliques, douleurs thoraciques ou céphaliques .... Il redoute quelque chose de grave.
Les bilans sont tous rassurants... et l’on s’accorde à penser que tel ou tel organe est "fragile" et qu’il va falloir s’accommoder de ces "crises" récurrentes sans consulter davantage.

Juste avant la décompensation ...


Tout se passe comme si le système imposait l’Arrêt d’Urgence. Le handicap devient majeur.
Le malade est couché : fausse “grippe” ; migraine ; fausse “gastro” ; vertiges aigus, “tétanie” ; lumbago ou torticolis ...
Mais tout rentre dans l’ordre (spontanément ou sous traitement "symptomatique"(cf note1) sans séquelles et jusqu’à la prochaine fois...

Lorsque le système disjoncte...

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Arrêt d’urgence

La résistance s’effondre, le handicap est majeur (l’arrêt de travail est parfois long). Syndrome de Fatigue Chronique et Fibromyalgie.
Et comme les bilans sont toujours normaux (sauf pathologie intercurrente ou iatrogène) on passera la main au psychiatre pour "troubles conversifs, somatisations, trouble anxieux généralisé et/ou dépression..."

Et finalement, avec la vieillesse, tout finit bien ...

Contrairement à l’ensemble des autres maladies dégénératives qui deviennent invalidantes (diabète, artériosclérose, polyarthrite ...) avec l’âge ;
Contrairement aux maladies psychiatriques qui évoluent parfois très mal ;
Avec le temps ...., l’« arthrose » et la colopathie... , la migraine et les acouphènes... tous ces symptômes pourtant si invalidants jadis, ne font petit à petit plus parler d’eux.
Même la fibromyalgie et le syndrome de fatigue chronique réputés inguérissables, sont de bon pronostic (guérissent) à long terme.
Tout se passe comme si le sujet, parce que trop faible, arrêtait enfin de se battre contre lui-même.
Car le corps est si vieux qu’il a juste assez d’énergie pour continuer à vivre malgré la fatigue, la vraie, celle de l’usure du temps...

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Avec le temps ....,les troubles fonctionnels (comme la migraine) ne font petit à petit plus parler d’eux...



Certains ont plus de chance

  • Soit qu’ils sont nés sous une bonne étoile et qu’ils ont hérité d’un sommeil "à toute épreuve", avec un "somnobar" très puissant capable d’encaisser des à-coups de pression énormes (mais, attention , nul n’est totalement inépuisable et les sujets les plus résistants développent souvent les symptômes les plus résistants, eux aussi).
  • Soit qu’ils ont retrouvé au travers d’une autre voie, des conditions de "somnopression" compatibles avec le "silence des organes" : le sport, la créativité, l’amour, ou la prise de conscience ... ( les 4 voies de la sagesse orientale)


    C’est ce qui explique les résultats spectaculaires (mais très souvent éphémères) des pseudomédecines, du marché des fortifiants, des régimes "miracles" ou autres "herbalife". [1]]

  • La meilleure option selon nous, pour comprendre et, surtout, pour traiter les problèmes de fatigue et de troubles fonctionnels, c’est de les situer dans une problématique d’efficacité du sommeil et (là encore) de chercher à l’améliorer plutôt que de s’épuiser à soulager les symptômes (souvent très résistants) ou à tenter de réduire le stress (malheureusement inhérent à l’espèce humaine)

Le "somnicament"...

En condition expérimentale de "bed-rest" (repos forcé prolongé), de décalages horaires et de travail "posté", les troubles fonctionnels sont omniprésents (même lorsque que le temps de sommeil s’allonge).

Sur le terrain, l’interrogatoire "somnologique" (bien conduit) des malades qui souffrent de troubles fonctionnels (de fibromyalgie comme de migraine, de palpitations ou de spasmophilie) retrouve systématiquement la notion d’un sommeil "non récupérateur".


La prise en charge étiologique
 [2]] des manifestations du syndrome d’hyposommeil en médecine générale ne pourra se généraliser qu’avec le développement des connaissances sur le sommeil. (et notamment sur l’utilisation circonstanciée de la sieste).
Cette approche que nous appelons "somnicologique" de la fatigue et de ses conséquences fonctionnelles offrirait une piste thérapeutique nouvelle et pragmatique
à ces millions de malades qui encombrent en pure perte (et souvent en se mettant en danger) les circuits du système médical.
Le malade s’en trouverait mieux soigné et l’économie (probablement gigantesque) qui en résulterait pourrait être l’une des solution aux vrais problèmes du déséquilibre des dépenses de santé.
Il ne s’agirait plus, dès lors, d’économiser sur les soins nécessaires pour dépenser moins, mais bien de cesser de consommer inutilement des moyens inefficaces dans ce cas.

Nous espérons que de vastes campagnes de santé publique seront un jour lancées sur le thème "dormez peu, dormez bien, dormez mieux".

Dans l’attente d’un tel changement des mentalités, les Vrais Faux-malades continueront à multiplier les consultations alors que les Faux Vrais-malades continueront à consommer des médicaments "à la légère".
Nb. Il serait malvenu de mettre en cause, ici, le rôle et l’efficacité du système médical et d’encourager ainsi les dérives paramédicales. Il est légitime et nécessaire de consulter un médecin et de pratiquer tous les bilans utiles au dépistage d’une pathologie organique (lésionnelle) en présence de tout symptôme anormal.
Pour autant, la normalité des examens doit conduire à envisager un trouble "somnosomatique" et le cas échéant, à savoir engager une démarche de soins "somnicologique" (Cf. "définitions et néologismes") c’est-à-dire réfléchie en terme de chronobiologie et d’hygiène du sommeil.


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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1"herbalife" a été, dans les années 1990 un de ces produits miracles qui utilisait la naïveté des clients satisfaits pour se développer en réseau de vente pyramidale.
Le message publicitaire résumait à lui seul la problématique du syndrome d’hyposommeil : "J’ai la forme maintenant ... demandez moi pourquoi ...". C’était le "sirop typhon", la panacée qui guérit tout... sauf le portefeuille.
le risque actuel du retour sur le marché de ce type de solutions miracles contre la fatigue est important.
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[2Un traitement est dit "étiologique" lorsqu’il soigne la cause d’une maladie.
Il est "symptomatique" lorsqu’il soigne ses conséquences.
Pour une infection bactérienne, par exemple, l’antibiotique est étiologique et le doliprane est symptomatique
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