Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Médecine générale

Le syndrome MPSE ("-Moi Pas Savoir Exactement-").

lundi 21 août 2006, par guilhem

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L’hypothèse du "Syndrome d’hyposommeil"

Le "Syndrome d’hyposommeil" est un néologisme (proposé par l’auteur du site), qui vise à identifier le facteur d’inefficacité du sommeil à l’origine de très nombreux troubles inexpliqués en médecine générale.

Il regroupe donc l’ensemble des symptômes susceptibles d’apparaître à l’occasion d’un déficit chronique d’efficacité du sommeil.
Pathologies du sommeil inefficace


En pratique ces symptômes sont généralement considérés comme d’origine psychosomatique dès lors que toutes les recherches médicales n’aboutissent pas à un autre diagnostic et que les douleur ou le handicap restent inexpliqués (migraines, palpitations, troubles de l’équilibre, de la vision, de la digestion, de l’appétit, frilosité, sueurs, etc...). On les appelle aussi troubles fonctionnels, ou encore troubles neurodystoniques

Selon notre hypothèse...

Ces perturbations ont valeur de véritable signal d’alarme : elles apparaitraient au stade où l’on dépasse ses propres capacités de résistance à la fatigue.
Cela peut s’exprimer alors à travers quatre grands tableaux bien connus du corps médical (mais que l’on range -par défaut-, à la frontière entre les maladies physiologiques et psychologiques) : spasmophilie, troubles fonctionnels, fibromyalgie et fatigue chronique.


Dans notre expérience, ces symptômes possèdent en commun les quatre mêmes caractéristiques, et surviennent toujours dans un contexte de sommeil "non réparateur".
Au début, cette baisse de rendement du sommeil se traduit par une augmentation du temps de sommeil. La personne est fatiguée et souffre de malaises à répétition malgré le fait qu’elle dort beaucoup, mais en cas d’aggravation du processus, l’apparition d’une insomnie est inéluctable.

NB. Le "Syndrome d’hyposommeil" est une hypothèse très innovante parce qu’elle place la fatigue bien en amont de l’insomnie, et non plus le contraire comme c’est l’usage.
C’est ce que résume la formule suivante : "L’histoire médicale d’un "spasmophile" [1] est la chronique d’une insomnie annoncée".


Les horaires imposés, la privation de sommeil (cf. Savoir dormir) ou plus largement ce que l’on nomme le stress lié aux événements de vie entraînent des perturbations des horloges biologiques qui se traduisent par une baisse de la qualité du sommeil. Cette réaction est similaire à ce qui se passe en cas de danger, le sommeil devient plus léger (et donc moins efficace) jusqu’à ce que tout rentre dans l’ordre.
Cette réaction d’adaptation au stress est donc physiologique et nécessaire à la survie, mais chez certains individus présentant un terrain déjà fragile, les mécanismes régulateurs peuvent décompenser.
Tout se passe alors comme si l’organisme traduisait le déficit qualitatif du sommeil à travers une « foultitude » de symptômes de plus en plus handicapants et inquiétants.

(Cf l’article : Système d’alarme)
Dans notre expérience, le "Syndrome d’hyposommeil" évolue selon une succession d’étapes cliniques en apparence très polymorphes mais qui suivent pas à pas ce processus.
(Cliquer pour lire l’article sur le "Train des symptômes d’hyposommeil")

En consultation, le "Syndrome d’hyposommeil" se présente sous quatre grandes formes cliniques :
spasmophilie ;
troubles fonctionnels ;
fibromyalgie ;
et fatigue chronique.

  • La crise de spasmophilie ou « attaque de panique ».
    La peur submerge l’individu au point qu’il se sent véritablement en danger.
    Le malade peut avoir la sensation aiguë qu’un organe vital est défaillant (le cœur, le cerveau, le poumon...) et qu’il faut appeler des secours.
    À ce stade, le sommeil n’est apparemment pas perturbé. Le sujet affirme qu’il "dort heureusement très bien". Il n’est pas rare de découvrir, à l’interrogatoire, certaines modifications comportementales (siestes prolongées, sommeil déphasé) ou l’apparition récente d’une hypersomnie.

  • Les troubles fonctionnels ou "neurodystoniques".
    Ce sont des signaux douloureux ou inquiétants qui peuvent provenir de n’importe quelle partie du corps et de n’importe quel appareil.
    L’adjectif "fonctionnel" sous-entend qu’il n’y a pas de lésion identifiée (dans le cas contraire, on parlerait de troubles "organiques").
    Par exemple : les lombalgies communes, le syndrome d’intestin irritable, de vessie instable, la migraine, les palpitations atypiques", les vertiges de Ménières, etc. sont des troubles fonctionnels qui apparaissent en période de surmenage.
    En apparence le sommeil n’est pas perturbé mais souvent, le sujet reconnaît être plus fatigué, se coucher plus tôt et dormir davantage que d’ordinaire.

  • La fibromyalgie.
    Ce diagnostic est évoqué lorsque les douleurs prédominent sur un mode invalidant. Le malade se réveille fourbu et utilise toute son énergie pour effectuer les gestes de la vie courante.
    Il se repose dès qu’il le peut, ce qui témoigne de son surmenage.
    Au tout début, le sommeil n’est apparemment pas perturbé mais, au stade (souvent tardif) du diagnostic, le malade consomme généralement déjà plusieurs sédatifs.

  • Le syndrome de fatigue chronique.
    Le diagnostic est suggéré lorsque la fatigue passe au premier plan ; présente dès le réveil, elle entraîne une diminution objective de 50% de l’activité depuis plus de six mois.
    Les premières descriptions de cette curieuse "épidémie" mettaient l’accent sur le caractère brutal de l’incapacité survenant chez des sujets très dynamiques jusque là : les "Yuppies" (jeunes cadres urbains).
    Ce tableau, qui fait rechercher sans succès [2] une origine virale, est proche des conceptions américaine, japonaise ou antillaise du surmenage : "burnout", "Karoushi", ou "Blesse".
    Au début, le malade estime avoir besoin de beaucoup de sommeil, ce qui traduit en réalité une sensation d’épuisement, mais il n’a pas encore conscience de mal dormir.


"Comment vous sentez-vous au moment de vous lever le matin ?"


En apparence le sommeil n’est pas perturbé, mais le malade...
- affirme qu’il "dort heureusement très bien"
- reconnaît être plus fatigué et dormir davantage que d’ordinaire
- consomme des sédatifs
- estime avoir besoin de beaucoup de sommeil et être un "gros dormeur"

La question habituelle : - "Dormez-vous bien ?" est trop subjective et induit presque toujours une réponse inexacte.
En somme, cela revient à interroger un sujet dénutri sur la qualité de son appétit !

La formulation adéquate devrait être : - "Comment vous sentez-vous au moment de vous lever le matin ?"
Il y a de fortes chances, dans le contexte de troubles fonctionnels, que l’on obtienne une réponse moins équivoque : "- Je suis fatigué à un niveau tel que je ne le souhaiterais même pas à mon pire ennemi !".


La poursuite de l’interrogatoire recherchera des signes évocateurs d’un sommeil inefficace :

sommeil non réparateur, fractionné, stress et troubles fonctionnels sont des plaintes en rapport avec la fatigue.

  • Les premiers signes de fatigue :
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    "Mort, vidé, épuisé, ... à deux d’tens..."
    mais pas somnolent !
    • - difficulté à se lever le matin, malgré un sommeil normal et un éveil spontané avant le réveil-matin
    • - besoin de se reposer dans la journée tout spécialement vers 18-20h [3]
    • Réduction des activités physiques et des loisirs
  • Des comportements destinés à prolonger le sommeil :
    • - grasse matinée les jours de repos
    • - en essayant de faire la sieste durant la journée
    • - en se couchant plus tôt (au point de renoncer aux sorties)
  • Des conditions environnementales éprouvantes :
  • Des signes de fragmentation du sommeil avec des éveils involontaires :
    • - réveil spontané mais trop tôt le matin, avec la sensation de devoir encore dormir,
    • - pour boire au cours de la nuit (présence systématique d’une carafe près du lit),
    • - pour aller uriner au cours de la nuit (régulièrement plus d’une fois) [4],
    • - par inconfort thermique (chaleurs, sueurs, frilosité),
    • - par inconfort physique (malaise, sensation d’étouffement, crampe...)
    • - pour s’occuper du chat (sic)...
  • Co-existence (quasiment constante) de plusieurs autres troubles fonctionnels pour lesquels la personne retient souvent une théorie assez peu convaincante de type "fragilité constitutionnelle" : "fragilité" du dos, du nez, de la gorge, des oreilles, de l’intestin, de la tension, de la glycémie...
  • Présence (très fréquente) d’antécédents médicaux aigus proches de la panique, résolus spontanément sans explication véritablement logique. (Cf. "Spasmophilie")
  • Climat (habituel) de suspicion au sein de la relation médecin-malade : un grand nombre de ces malades se considèrent incompris par le corps médical.

Et la somnolence ?
La somnolence n’est pas un symptôme du syndrome d’hyposommeil. (Nb. Lorsque c’est le cas, il faut pratiquer un enregistrement du sommeil à la recherche d’un trouble organique. Voir l’article "Arbre diagnostic de la somnolence excessive. [5] ).

Lire aussi l’article du site : "Fatigue ou somnolence ?".


Faux-malades ou Vrais-malades ?


Compte tenu de la normalité des résultats aux examens complémentaires, et en l’absence de prise en compte de leur sommeil, ces authentiques malades deviennent, aux yeux du corps médical, des "faux malades", des "malades imaginaires", "hypocondriaques", "anxieux" voire "dépressifs".
(C’est probablement une des raisons de la surestimation des dépressions en France, pays très consommateur de la "pilule du bonheur").
Nous les appellerons ici "Pseudo Faux-Malades".

À force d’être déçu par ses médecins, le malade se tourne, par dépit, vers les pratiques alternatives illusoires. Compte tenu de l’évolution naturellement fluctuante de ses symptômes, il a le sentiment d’y trouver une réponse.
Le pouvoir addictif des sédatifs (sevrage difficile) est tel qu’on les retrouve même souvent en "complément" d’un traitement par ailleurs "100% naturel".
à terme, la cause des symptômes persiste et le sujet reste malade, mais il lui est devenu impossible d’exercer son sens critique et de faire la part des choses entre ses traitements allopathiques et ses croyances alternatives.


À l’inverse, il n’est pas rare que la multiplication des examens complémentaires et des avis spécialisés conduise à la découverte fortuite d’une quelconque anomalie objective.
Cet élément devient alors le point de départ d’une réflexion destinée à poser un diagnostic (sensé délivrer une explication à la plainte du patient).
Cette "maladie" qui satisfait enfin au besoin de reconnaissance qu’a le malade (et le médecin) va mobiliser tous les soins malgré le fait que le trouble initial persiste.
Ce sont les "Pseudo Vrais-Malades", ceux qui acceptent leur maladie en consommant en pure perte de nombreux remèdes allopathiques ou homéopathiques... produisant tous le même effet.
En général, la sensation de fatigue persiste et conduit à l’apparition d’un nouveau signal d’alarme (inquiétant et handicapant) qui donne lieu à un nouveau "parcours de santé" qui, lui-même, peut entraîner d’autre diagnostics (et d’autres complications), etc.

Lire l’article "Signal d’alarme de la fatigue".
Lire l’article "Le train du syndrome d’hyposommeil".

Conclusion

Il est tout à fait possible de placer le sommeil au centre de la plupart des pathologies fonctionnelles couramment rencontrées en médecine générale.

Il existe malheureusement de nombreuses raisons qui concourent à sous-estimer son importance réelle, car la réflexion médicale actuelle ne prend pas assez en compte les notions d’efficacité du sommeil et de chronobiologie.
Ce malentendu présente deux inconvénients majeurs : il est inutilement coûteux pour la collectivité ; et il fait prendre des risques inutiles au malade :
1)- Le "principe d’obligation de moyens" suscite des dépenses de santé considérables en pure perte lorsqu’il s’applique a des troubles en relation avec la fatigue [6].
2)- La multiplication des bilans diagnostiques expose les malades à un risque iatrogène [7] important car l’escalade des moyens mis en jeu pour tenter de comprendre ou traiter leur maladie n’est pas sans danger.
C’est pour cela que le parcours médical des "sans papier de la médecine" qui souffrent de fatigue (et qui cumulent par ailleurs de très nombreuses autres (?) pathologies), est émaillé de toutes sortes de complications médicales (intolérances, allergies, surdosage, erreur médicale...).

- Ces deux faits ont pour conséquence de dégrader la relation de confiance médecin-malade, et de favoriser le risque, pour l’un comme pour l’autre, de dérive vers les placebo ou les médecines dites "alternatives" qui séduisent par leur innocuité apparente mais qui ne sont que des palliatifs.

- Selon notre hypothèse, la guérison de la fatigue et de ses nombreux signes (y compris l’insomnie) ne peut passer que par une bonne maîtrise de la qualité de son propre sommeil.
"La seule façon de prendre en charge son sommeil c’est d’en bien comprendre le fonctionnement".

Au total ... La "somnicologie" ???

La reconnaissance du concept de "syndrome d’hyposommeil" permettrait selon nous d’appréhender de manière plus juste la plupart des symptômes, encore qualifiés de « psychosomatiques », en les considérant comme la manifestation d’un trouble au sein même de l’efficacité du sommeil.
Ainsi, pour qualifier ces symptômes, nous préférons ici utiliser l’adjectif « somno-somatiques » .
Lire aussi l’article "Néologismes pour le site".

Face à un problème de migraine par exemple, une fois qu’a été fait un premier bilan médical de base, il nous paraît plus pragmatique de centrer la réflexion sur les horloges du sommeil, que de renouveler sans fin des explorations complémentaires à la recherche d’une lésion improbable... (ou pire, de proposer au final un petit "tranquillisant" pour mieux supporter le fameux "excès de stress" [8]).

Dans notre expérience, la prise de conscience du rôle central du sommeil dans la genèse de son problème de santé permet au malade de devenir l’acteur de sa guérison.
La parfaite connaissance des règles d’hygiène du sommeil devrait être à la base de la prise en charge de ces troubles : « la seule façon de guérir le sommeil, c’est comprendre le sommeil ».

Pour en savoir plus, lire aussi les articles connexes sur le site :
- "Savoir dormir" (quatre points-clés à comprendre... avant d’agir)
- "Apprendre à dormir" (consignes générales)
- "Apprivoiser le sommeil" (résumé des sept principes à appliquer en cas d’insomnie).

Un bon dormeur se couche en confiance et se réveille en forme !
"La santé est un état de total bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité." 1946, Organisation Mondiale de la Santé.

Le site "Sommeil et médecine générale" propose un questionnaire interactif d’aide au dépistage des principaux signes en rapport avec un éventuel trouble du sommeil.
Cliquez sur l’image du site pour faire le test : "cochez dans la liste suivante les déclaration qui vous concernent et appuyez sur "entrée" .. "Vos réponses sont compatibles avec le (les) problème(s) suivant(s), vous devriez évoquer ces questions avec votre médecin".


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Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1Le concept de "spasmophile" est si diversement considéré qu’il mériterait une double paire de guillemets. Pour certains c’est une fuite hypothétique de magnésium (on le croyait jusqu’en 1998), pour d’autres c’est une forme de dépression nerveuse... Il y a tout pareillement bien des divergences entre les médecins qui croient en l’existence de la fibromyalgie et ceux qui se disent "fibro
sceptiques".

[2Jusqu’à présent, toutes les hypothèses virales, longtemps mises en avant, ont été écartées. Mais fin 2009, un article de la très sérieuse revue "Science" relance le débat autour d’un rétrovirus connu chez l’animal et qui serait présent chez une majorité de malades.
La forme humaine de ce virus est baptisée "Xenotropic Murine leukemia Related Virus" (XMRV). Voir sur le Forum du site.

[3La période 18-20h correspond à un moment du nycthémère où l’organisme est normalement au mieux de sa forme physique et psychique.
Cf. "Régulation du rythme veille/sommeil").

[4Il existe un bon marqueur de la désorganisation fonctionnelle du sommeil : c’est la fréquence des besoins d’uriner durant la nuit. Dans notre expérience, ce signe anormal se retrouve systématiquement. Au début de la maladie, le sommeil semble correct si ce n’est le besoin de se lever pour boire ou uriner plusieurs fois durant la nuit. Cette augmentation de la diurèse nocturne est la conséquence de l’effondrement d’un système "anti-diurétique" normalement très actif durant les phases de sommeil profond. Tout se passe comme si la nature avait prévu de respecter le sommeil des bons dormeurs en adaptant la diurèse à la taille de la vessie.
En cas de mauvais sommeil, les reins produisent plus d’urine que la contenance vésicale ne peut en accepter sur la durée du sommeil. Cette "pollakiurie nocturne" est aussi très visible chez les ronfleurs pathologiques (elle constitue un "signe d’appel" bien connu des somnologues).
Parfois, ce trouble est imputé, à tort, à une hypertrophie prostatique chez l’homme et à une "vessie instable" ou "trop petite" chez la femme... En l’absence d’éléments objectifs (exploration hémodynamique fiable), ces explications "ad hoc" sont révélatrices d’une méconnaissance des mécanismes du sommeil.

[5La somnolence diurne excessive peut se mesurer sur des échelles d’auto-évaluation.
Cf. (en téléchargement format Pdf) Deux questionnaires d’évaluations de la somnolence .
- Échelle de somnolence d’Epworth ;
- Échelle de Somnol-enfance°.

[6Aucune analyse, aucune radio ne peut détecter une perte de l’efficacité du sommeil. Tout se passe comme dans l’histoire du fou qui, dans la nuit, recherche en vain ses clés sous le lampadaire au prétexte qu’il n’y a que là qu’il y a de la lumière.

[7"Iatrogénique" : (Iatros en Grec : Soignant) qui induit des complications en rapport avec un soin (Cf. glossaire du site).

[8le recours au sédatifs -de toute nature, placébo compris- provoque véritablement le début du cercle vicieux de l’insomnie.