Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

Accueil > Accueil > Médecine générale > Le Train du syndrome d’hyposommeil

Le Train du syndrome d’hyposommeil

La iatrogénie, iatrogène, iatrogénique :
"toute conséquence indésirable pour la santé de tout acte médical visant à la préserver"
(Steel, 1981, iatrogenesis and iatrogenic artifact).

samedi 4 novembre 2006, par guilhem

Toutes les versions de cet article : [English] [français]

Nous définissons le "Syndrome d’hyposommeil" comme l’ensemble des troubles fonctionnels qui apparaissent dans les situations de désynchronisation des mécanismes du sommeil. (Voir la définition du "Syndrome d’hyposommeil").

<br<En l’absence de prise en charge (ce qui est hélas la situation la plus fréquente), son aggravation se manifeste par une succession relativement stéréotypée d’évènements qui traduisent l’évolution naturelle de la maladie.
Le schéma ci-contre du "Train du syndrome d’hyposommeil", en résume les différents aspects :

  • La fatigue est une sensation subjective très mal quantifiable. Selon nous, le tout premier signe observable de la fatigue réside dans la recherche de médicaments "fortifiants",
  • Son aggravation s’accompagne de troubles qu’on qualifie de "fonctionnels" car ils restent totalement inexpliqués malgré leur caractère invalidant et inquiétant.
  • Une nouvelle étape est franchie à l’utilisation des premiers "tranquillisants".
  • En fin d’évolution, la mise en échec du "vouloir dormir" conduit à l’insomnie et le tableau général peut prendre l’apparence d’une dépression.

      En l’absence d’éclairage somnologique, les troubles fonctionnels neurodystoniques qui traduisent (selon nous) un syndrome d’hyposommeil sont mal pris en charge et occasionnent un fort risque iatrogénique (risque de complications médicales). .

Une affaire de chronobiologique ?

Selon nos hypothèses, la survenue d’un sommeil inefficace est en relation avec un déséquilibre des horloges internes qui régulent le sommeil.
La fatigue et les troubles fonctionnels ont valeur de signal d’alarme (Cf.) en cas de menace de décompensation du sytème.
Le niveau du seuil d’alarme dépend de la conjonction de trois éléments :

  • le niveau de base : certains sujets sont plus fragiles que d’autres. La stabilité générale du système est génétiquement déterminée ;
  • les capacités de résistance qui dépendent de la personnalité du sujet. Plus il est "fort" et moins il réagit à la sensation de fatigue ;
  • la force "somnotoxique" de l’événement de vie traumatisant. Parfois si puissante qu’aucune défense ne saurait empêcher la décompensation des mécanismes de protection.


En d’autres termes, aucun individu n’est inépuisable.

  • Le terrain génétique détermine l’équilibre chronobiologique du sommeil.
    Certains sujets ont un système de régulation plus instable que d’autres. Cela explique en grande partie le caractère familial de nombreux troubles fonctionnels neurodystoniques. L’exemple de la migraine, du lumbago, ou même de la fibromyalgie en est l’illustration.
  • Le terrain psychologique détermine la capacité personnelle de résistance (donc de "surdité") à la fatigue. Elle est fortement modifiée par l’influence des psychotropes souvent prescrits dès l’apparition des premiers symptômes, ce qui retarde le diagnostic et complique considérablement la prise en charge.
  • La nature des événements de vie détermine l’importance de leur impact sur le sommeil. Nous disons qu’ils sont plus ou moins "somnotoxiques".

Une maladie aux mille facettes...

- Certaines formes cliniques restent parfois discrètes : le sujet ne souffre que de troubles fonctionnels bénins qui guérissent spontanément après quelques temps ;
- Certaines deviennent chroniques (migraines, lumbagos, constipation...) ;
- D’autres évoluent vers l’aggravation et la constitution d’un véritable handicap (induisant des arrêts de travail répétés ou de longue durée) :

  • problèmes rhumatologiques (lumbagos, torticolis, tendinites), Cf ;
  • problèmes neurologiques (migraines, névralgies, vertiges, acouphènes, dyskinésies...), Cf ;
  • problèmes digestifs (colique, gastrites...), Cf ;
  • problèmes cardiaques (palpitations, douleurs...), Cf ;
  • problèmes circulatoires (jambes lourdes, sueurs, chutes de tension, vertiges...), Cf ;
  • etc...


- La fatigue et le découragement sont tels qu’en fin de course apparaissent des symptômes "psychologiques" comme l’insomnie et la dépression. Les statistiques font état de 12 à 15 000 décès pour dix fois plus de tentatives de suicide par an en France. Ce chiffre est supérieur à celui des autres pays occidentaux, alors que la prescription de psychotropes y est nettement inférieure. [1]

On peut voir dans cette spirale l’échec de l’approche psychologique "par défaut" des problèmes de fatigue et des troubles fonctionnels neurodystoniques.

Ce dernier schéma résume, selon nous, la mise en échec de la relation médecin-malade que l’on observe si l’on ne tient pas compte des connaissances sur le sommeil et la chronobiologie.
Cette problématique de l’échec conduit à deux types de comportement opposés :

  • les "Faux Vrais-malades", , pensent connaitre l’origine de leur trouble mais cherchent sans cesse le remède qui "marchera enfin".
  • les "Vrais Faux-malades", cherchent en vain la reconnaissance de leurs troubles qualifiés d’imaginaires mais pourtant bien réels.

Au début...

On constate parfois la présence anormale de troubles fonctionnels à répétition très tôt dans l’enfance.
Selon nous, la crise de foie (crises d’acétone), les poussées de croissance, les coliques, les infections à répétition peuvent traduire précocement une fragilité des horloges du sommeil. Rappelons que ce sont des symptômes reconnus de la forme infantile de la fibromyalgie.

Attention au surpoid qui peut, en lui même, témoigner d’un syndrome de fatigue. Il existe des rapports étroits entre l’équilibre du sommeil et l’équilibre alimentaire.
Ces deux grands systèmes sont contrôlés par l’action d’une hormone commune (Cf. Orexine/Hypocrétine).

Chez l’adulte, on peut aussi observer une consommation régulière de nombreux médicaments (fortifiants, sédatifs "légers", antidouleurs , laxatifs...) qui traduisent l’ancienneté de la fatigue.

Au cours de l’évolution...

  • Le risque iatrogène (les complications médicales [2]) et le coût (souvent astronomique [3]) de ce parcours médical dépendent de la confiance (et/ou de la crédulité ?) du patient et du type de mécanisme pathologique ad hoc mis en cause.
    Lire à ce sujet sur le site l’analyse du "Miracle thérapeutique" dû à la "Foi qui guérit" selon Jean-Martin Charcot (1897).

    L’interrogatoire des malades révèle souvent un lourd passé d’examens médicaux, de traitements ou d’opérations aux résultats peu concluants.
    Les antécédents d’allergies ou d’intolérances médicamenteuses sont fréquents.
    On constate (heureusement), de plus en plus de prudence vis-à-vis des indications chirurgicales :
    - moins de chirurgie de l’appendice "par sécurité" ;
    - moins de chirurgie du lumbago "par échec du traitement médical".
    - moins d’ablation de vésicule biliaire pour "crise de foie". etc...
    Avec le recul, les résultats thérapeutiques de ces interventions, jadis pratiquées trop largement, se sont avérés inefficaces (et parfois catastrophiques).

  • Une prise en charge psychologique est parfois utile au stade de la maladie où le sujet prend conscience de son niveau d’épuisement. Mais on peut déplorer que les notions d’hygiène du sommeil et de chronobiologie n’y soient pas au centre des préoccupations. Trop souvent, il ne s’agit que de soutien et les habitudes de prescription font qu’il est, à ce stade, exceptionnel d’éviter le recours aux benzodiazépines qui accélèrent le processus d’hyposommeil.
  • Le recours aux médecines "alternatives" est également un passage fréquent dans le parcours des sujets fatigués car il est mieux d’inventer sa propre réponse plutôt que de sombrer dans le désespoir.

    Dans ce contexte de troubles fonctionnels, c’est selon nous, au mieux, une perte de temps préjudiciable ; au pire, une porte d’entrée pour certaines dérives sectaires.
    Certaines références au sommeil y sont faites "sous l’angle du bon sens", mais elles se cantonnent à diffuser des conseils qui s’avèrent contre-performants (se coucher tôt, se détendre, faire le vide, etc...).

    (Suivez le lien pour "Tester vos idées reçues").

En fin d’évolution...

Deux symptômes jusque là peu visibles passent au premier plan et font prendre un nouveau tournant au diagnostic : l’insomnie et les traits dépressifs.

  • Insomnie.

    Les "troubles du sommeil" sont toujours mentionnés dans les descriptions des pathologies fonctionnelles neurodystoniques mais il ne prennent de l’importance qu’en toute fin d’évolution. À ce stade, la sensation de fatigue est véritablement le moteur de l’insomnie (qui se résume à vouloir dormir).
    Voir les articles sur l’insomnie : ’Vouloir Dormir".
    Voir l’article "Fatigue ou somnolence ?".

    • En réalité, il y a longtemps que le sujet tente de rallonger son temps de sommeil pour arriver à se reposer. Il se décrit volontiers comme une "marmotte", "toujours en train de dormir" mais cette recherche du sommeil se traduit insidieusement par de plus en plus d’éveils précoces ou nocturnes.
      Remarque : il n’est pas rare de ce fait, de voir, chez certains sujets prédisposés, l’apparition de rêves plus fréquents que l’on prend à tord comme une marque de "bon sommeil" alors qu’ils témoignent souvent ici d’un sommeil trop léger.
      Voir l’article "Rêves et sommeil".
    • Il y a longtemps également que son médecin lui propose un traitement capable de calmer le système nerveux (benzodiazépines : lexomil°, valium°, xanax°) car à court terme la plupart des troubles fonctionnels aigus répondent très favorablement à un tel traitement mais cette approche doit être très prudente car elle engage le sujet dans un véritable cercle vicieux.


    Au stade où l’insomnie proprement dite commence enfin à apparaître, le médecin essaye de faire d’une pierre deux coups en prescrivant un "petit" calmant.

    Au stade final, cette fatigue prend l’apparence d’une dépression nerveuse et le sujet épuisé s’accorde avec son médecin pour envisager la prise d’un traitement antidépresseur. Mais, de notre point de vue, aucune hypothétique "pilule du bonheur" ne peut aider le malade à considérer le sommeil de la bonne façon.

    Voir l’article "Dépistage de la dépression".


  • Dépression.

    Il est un dogme, très enseigné dans les cours de psychiatrie, qui énonce "que l’insomnie est un signe de dépression".
    Cette notion, qui ne tient pas compte des progrès de la médecine du sommeil, doit être remise en question.

    Dans certains cas, l’insomnie serait, au contraire, une réaction de défense destinée à augmenter la résistance psychologique du sujet en cas de stress. t
    En cas de danger, l’insomnie est une réaction d’éveil destinée à augmenter le niveau de performance, tout comme la fièvre est un moyen d’augmenter les défenses immunitaires contre les infections.
    En pratique, certains services de psychiatrie complètent le traitement de la dépression par la réalisation de privations de sommeil (une nuit blanche sur trois sous stimulation lumineuse et sportive).
    Voir l’article "Prise en charge intégrée de la dépression".

    On comprend, sous cet éclairage moderne, que la prise d’un somnifère (ou d’un tranquillisant) risque d’exercer un effet extrêmement aggravant chez un sujet qui débuterait une dépression authentique...

    NB : les larmes et les "propos dépressifs" sont très fréquents en fin d’évolution parce que le sujet est véritablement épuisé (tout proche du stade "d’arrêt d’urgence"(Cf.).
    Ces manifestations d’allures dépressives donnent lieu à une large surestimation du diagnostic de dépressions. Pourtant, le risque de tentatives de suicides est absent dans ce contexte. Bien au contraire, l’évocation par le médecin d’une possible étiologie de type "dépression masquée" est souvent mal vécue par le sujet qui ne se sent "pas fou, ni triste, simplement épuisé".

    Attention, il ne faut pas, pour autant, négliger la possibilité d’une vraie dépression. La mésestime de soi, la tristesse permanente et la perte de l’espoir de guérir sont des points d’appel qui justifient un avis spécialisé, et un éventuel traitement antidépresseur (pour une durée de quelques mois au minimum).
    Mais, de notre point de vue, aucune hypothétique "pilule du bonheur" ne peut aider le malade à considérer le sommeil de la bonne façon.

    Il est d’ailleurs admis que 15 à 30 % des sujets fatigués chroniques présentent de véritables épisodes dépressifs au cours de l’évolution de leur maladie. Ces chiffres sont similaires à ceux que l’on constate dans les autres maladies chroniques et incurables (diabète, sclérose en plaque ou Parkinson par exemple), ce qui prouve que dans certains cas la fatigue n’est pas secondaire à une dépression masquée, mais peut très souvent être secondaire à un trouble primaire du sommeil. 

Dans la plupart des cas, le sommeil reste le grand absent de la relation médecin-malade !

  • Pourtant, si l’on prend le temps de la rechercher, la plainte "fatigue" est le dénominateur commun à tous les symptômes fonctionnels...
  • Pourtant, le lien de cause à effet entre cette fatigue et l’efficacité du sommeil est bien démontré en laboratoire de sommeil et chez les travailleurs de nuit (dont la majorité présente des troubles fonctionnels).
  • Pourtant, le sens commun, à travers de nombreuses expressions populaires montre que l’on comprend la valeur de "signal d’alarme" de tous ces symptômes. ("Plein le dos, raz le bol ...").
  • Pourtant, il est facile de porter le diagnostic (après un bilan médical minimum) par un simple interrogatoire somnologique bien conduit.
  • Pourtant, la prise en charge des troubles liés à un sommeil inefficace est simple à mettre en œuvre, sous réserve de bien connaître le mode d’emploi des "Somnicaments" (Les moyens naturels qui influencent le système de régulation du sommeil).
    Deux exemples soulignent l’importance du changement des mentalités que cela impose :
    • Prescrire des sédatifs à un sujet fatigué n’est pas performant car ces produits exercent tous un effet délétère sur l’efficacité du sommeil ("les produits anti-éveil ont des conséquences anti-sommeil").
    • Prescrire du repos à un sujet fatigué n’est pas performant car "trop de sommeil fatigue". Il est démontré au contraire que les chaussures de sport sont, et de loin, le fortifiant le plus efficace.

Un jour peut-être...

Les notions de chronobiologie feront d’avantage partie des préoccupations des patients et de leurs médecins.
Plus largement, au-delà des troubles du sommeil proprement dits, le concept de "Somnicologie" pourrait contribuer à mieux appréhender les problèmes de fatigue.
Une meilleure compréhension du syndrome d’hyposommeil permettrait de mieux prendre en charge les troubles fonctionnels neurodystoniques. Les économies de santé ainsi réalisées seraient probablement colossales.

JPEG - 80.9 ko
Le train du "Syndrome d’hyposommeil"



Lire aussi l’article du site qui pose la définition du "syndrome d’hyposommeil".
Nb. L’appellation "Syndrome d’hyposommeil" est un néologisme destiné à placer le sommeil au centre des pathologies en relation avec la fatigue, que l’on qualifie de fonctionnelles, neurodystoniques ou (souvent) psychosomatiques... )


JPEG - 1.6 ko
Quelques liens externes pour en savoir plus...

[1Selon une enquête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la période 2001-2003, 21,4 % des Français ont consommé des médicaments psychotropes dans l’année, contre 15,5 % des Espagnols, 13,7 % des Italiens, 13,2 % des Belges, 7,4 % des Néerlandais et 5,9 % des Allemands". Source :Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies

[2Les statistiques Étasuniennes font officiellement état de plus de 200 000 décès directement imputables à l’activité médicale. Cela place la pathologie iatrogénique au troisième rang des causes de mortalité, juste derrière les pathologie cardio-vasculaires et les cancer. (Sources "Is US Health Really the Best in the World ?" Jama, Vol. 284 No. 4, July 26, 2000).

[3Les dépenses de santé inutilement engagées pour seule fibromyalgie a été estimé à plusieurs milliards de dollars par an au Canada et aux États-Unis (6000 dollars par patient et par an).