Sommeil et médecine générale

"Dormir peu, dormir mieux, vivre mieux."

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Hypersomnie

La marmotte est un animal qui, dès le mois d’octobre, entre dans une période d’hibernation qui va durer environ six mois.

, par guilhem

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L’hypersomnie est caractérisée par un besoin de sommeil nettement plus important que chez la moyenne des autres dormeurs.
Cette somnolence excessive peut se dépister sur des questionnaires validés (Cf. "Échelle d’Epworth").

La personne hypersomniaque doit organiser son emploi du temps pour pouvoir dormir plus de 10h/24 avec la possibilité (et le risque) de subir dans la journée des endormissements incoercibles ou impromptus.
On sait depuis déjà quelques années qu’un gène identifié sous le nom de PERIOD3 (situé sur le chromosome 1) détermine le fait d’être du matin ou du soir.
Tout récemment , une étude européenne à montré qu’un gène connu sous le nom de ABCC9, influe sur la durée du sommeil chez les humains et détermine, du moins en partie, le fait d’être court ou long dormeur.

Quel que soit son "niveau de stress" et ces soucis, le sujet excessivement "gros dormeur" ne connaîtra jamais les affres de l’insomnie.
Son entourage le considère comme une "marmotte. Typiquement, il est donc souvent l’objet de railleries car il profite de chaque instant propice pour "piquer un petit roupillon".
"Fat Joe... le groom joufflu, qui dormait au tonnerre du canon aussi profondément que si ç’avait été la chanson habituelle de sa nourrice."
S’il le peut, il adoptera des horaires de travail aménagés qui lui laissent des opportunités pour satisfaire à son besoin de dormir.
Le bilan étiologique (recherche de la cause) nécessite la prise en compte des pseudo-hypersomnies et des hypersomnies secondaires.

Nb. Lire aussi l’article sur la somnolence diurne excessive "Pouvoir dormir".

Insuffisance de sommeil par besoin excessif ou simple "gros dormeur" ?...

La [durée normale du sommeil est très variable chez l’humain. (Cf. Savoir dormir : les statistiques montrent que 35% de la population dort moins de 5 h ou plus de 9h.

La notion de très gros dormeur doit impérativement conduire à des explorations du sommeil (Cf.), afin de confirmer le diagnostic et d’éliminer l’éventualité d’une maladie sous-jacente :

Hypersomnie idiopathique

Lorsque ce besoin excessif de sommeil n’a pas de cause décelable et qu’il occasionne un véritable handicap, on parle d’hypersomnie idiopathique.


Ce type de "gros dormeur extrême" présente, à l’enregistrement, un sommeil d’excellente qualité, simplement remarquable par sa longueur et sa profondeur (richesse en activité en onde lente).
Bien qu’ayant très correctement dormi la nuit qui précède au laboratoire (afin d’éliminer une dette de sommeil) le sujet arrive à s’endormir lors de plusieurs des 5 siestes qui constituent le test de mesure objective de la somnolence(cf.)

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La marmotte hiberne 6 mois

Contrairement à la narcolepsie (Cf.), on ne note pas ici d’endormissement directement en sommeil paradoxal, et il n’y a pas de perturbation du taux d’hypocrétine dans le liquide céphalorachidien.
Dans les formes typiques, le réveil au matin est marqué par un démarrage très difficile.
Dans les conditions de vie moderne, la personne doit compenser un déficit chronique pour ne pas souffrir d’insuffisance du sommeil et de somnolence diurne excessive. Pourtant, le sujet préfère éviter de faire des siestes car ici, le réveil est particulièrement difficile avec des sensations d’ivresses et de confusion parfois très prolongées. Cette somnolence excessive se manifeste donc surtout pas des couchers précoces et des levers tardifs.

Si le handicap le justifie (le sujet à l’impression d’être toujours "abruti"), on a parfois recours à des molécules éveillantes du type caféine, amphétamines ou apparentées (modafinil) pour lui permettre de vivre plus normalement (mais les difficultés rencontrées au réveil ne sont guère améliorées).

Diagnostic différentiel, les "pseudo-hypersomnies"


  • Hypersomnie médicamenteuse : En dehors des sédatifs (dont la prise explique la somnolence), de très nombreux médicaments interfèrent avec le sommeil. L’habitude de prendre un médicament le soir parce qu’il risque un effet sédatif, n’est plus valide à la lumière des connaissances sur le sommeil.
    (Les notions récentes de chronobiologie confirment que la vitesse d’élimination des médicaments varie beaucoup selon le nycthémère).
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    Ne pas conduire sans avoir lu la notice
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    Ne pas conduire sans l’avis d’un professionnel de santé
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    Pour la reprise de la conduite, demandez l’avis d’un médecin


    En 2005, un projet ministériel d’affichage de pictogrammes à trois niveaux de couleur avait été annoncé par l’Afssaps et commence avec retard à être diffusé dans les cabinets des médecins.
    Il prévoyait une couleur interdisant la conduite, une couleur imposant un avis médical et une couleur signalant un risque potentiel.
    Les médicaments dont il est possible d’exclure tout risque pour le sommeil sont peu nombreux.
    Les bêta-bloquants (très utilisés dans l’hypertension (parfois à cause de leur effet antistress) doivent être spécialement évités le soir, car ils inhibent la synthèse de la mélatonine qui communique le signal "nuit" à l’organisme.

  • Hypersomnie et conduites addictives.
    L’alcool et les opiacés (Codéine, morphine, héroïne), induisent un sommeil de très mauvaise qualité. La sédation diurne compensatoire qui en résulte peut passer pour une hypersomnie.

    Malgré son utilisation traditionnelle très ancienne (la secte des "Haschischins" qui droguait ses adeptes en avant-goût du paradis), l’effet des cannabinoïdes sur le sommeil n’est pas beaucoup étudié.
    Pour autant, certaines publications récentes font état de propriétés qui pourraient s’avérer intéressantes. Ils augmenteraient le sommeil lent et le sommeil paradoxal et présenteraient de nombreuses implications dans l’équilibre alimentaire, les mécanismes de la douleur et même le système immunitaire.

     [1]
  • Certains troubles de l’humeur comme la dépression se présentent parfois sous l’aspect d’une apparente hypersomnie mais l’enregistrement du sommeil montre, ici, une dégradation de l’architecture du sommeil de nuit (fragmentation, raccourcissements de la latence du sommeil paradoxal ; retard du sommeil lent en fin de nuit).
    Le sommeil de jour est tellement léger qu’on emploie le terme de "clinophilie" qui traduit littéralement "envie de s’allonger".

    Ce type de perturbation répond favorablement à un traitement anti-dépresseur bien conduit et, dans ce cas, la normalisation de l’hypnogramme précède celle de l’humeur.
    Il est donc possible de considérer le tracé EEG du sommeil comme un marqueur prédictif de l’efficacité du médicament.
    Une voie d’avenir prometteuse pour la somnologie ...
    Certains services de psychiatrie procèdent (sous surveillance) à des privations de sommeil chez les sujets en dépression sévère avec beaucoup de succès (en association aux antidépresseurs).


  • Syndrome de Kleine Levin
    Il s’agit d’une forme rare et très curieuse d’hypersomnie survenant par crises récurrentes parfois assorties de troubles du comportement alimentaire ou sexuel.
    Cf l’article : "Sexsomnies".
    Ces crises, d’une durée de quelques jours et de périodicité variable et affectant principalement les garçons, se constataient souvent lors du service militaire.
    Encore évoqué dans la littérature spécialisée, ce tableau était devenu si rare (avec la disparition du Service Militaire ?) que certains en arrivaient à douter de sa réalité mais les CHU spécialisés comme centre de référence sur l’hypersomnie, comme celui de Montpellier (France), recrutent régulièrement de nouveaux malades.
    Cf. un article récent sur le site "Psychomédia" à propos d’un cas chez une jeune fille.
    Les progrès sur le génome humain ont récemment permis d’affirmer l’origine génétique de la maladie qui correspond à une anomalie chromosomique bien identifiée, mais qui peut ne jamais se manifester.
    À l’instar du somnambulisme de l’énurésie et de l’hypersomnie, l’apparition de la maladie correspond à l’expression d’un terrain constitutionnel préexistant, à l’occasion de circonstances favorisantes (infectieuses, psychologiques ?).
    Ces phénomènes sont également favorisés par la privation de sommeil ou les évènements de vie "somnotoxiques" (comme l’était le Service National obligatoire pour tous les garçons de 18 ans).
    Voir : "Les Parasomnies".

  • Le Syndrome de Smith-Magenis est une maladie d’origine chromosomique qui se traduit par une dysmorphie, des troubles du comportement et un retard mental.
    Cette maladie rare (1/25000 naissance) qui est liée à une délétion survenue sur le chromosome 17, est associée à d’important troubles du rythme veille-sommeil que l’on à mis en relation avec une inversion du cycle de la mélatonine. Les médicaments béta-bloquants qui freinent la fabrication de mélatonine semblent donner de bon résultats sur le tythme du sommeil.

  • L’adolescence est une période critique de maturation du sommeil.

    L’adolescent mis en conditions expérimentales de « routine constante » (en situation de dormir le plus possible) montre en général, un besoin de sommeil identique à celui des plus jeunes (10 heures) mais les conditions de loisir, le soir, et les impératifs scolaires, ne lui permet pas de dormir autant.
    Il s’ensuit la constitution d’une dette de sommeil importante mais à cet âge, le sommeil possède d’importantes facultés de récupération (le week-end et en vacances) comme le montre l’agenda du sommeil.
    Parfois, cette grande plasticité favorise une insomnie d’endormissement et un syndrome de retard de phase.
    Voir : "Sommeil de l’enfant" et "Sommeil de l’adolescent".
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    Un pictogramme peu connu


    NB Le jeune adulte en privation de sommeil, est beaucoup plus en danger, à l’heure ou il sortira d’une discothèque, que le sujet plus âgé qui a en quelque sorte l’habitude de sa somnolence.
    Il n’aura pas conscience du risque de somnolence brutale auquel il s’expose du fait de la pression due à son horloge interne et le risque d’endormissement involontaire est très important. (L’alcool ne joue souvent ici qu’un rôle aggravant).

  • La grossesse entraîne souvent une forme d’hypersomnie physiologique.
    Dans notre expérience, la future maman constate souvent, dès le début de sa grossesse, un excès soudain de sommeil.
    L’influence du bouleversement hormonal qui accompagne la grossesse sur le sommeil est tel que l’on peut considérer l’apparition d’une somnolence dans ce contexte comme l’un des premiers signes cliniques de la grossesse.
    Par la suite, l’établissement des rythmes chronobiologique du petit nécessite un temps d’adaptation que la mère doit supporter plus ou moins longtemps et le fameux "Baby Blues" du post partum nous semble plus appartenir au domaine de la fatigue qu’à celui de la dépression proprement dites.

    Articles connexes sur le site "sommeil et médecine générale" ?

  • "dépistage de la dépression"
  • "Prise en charge intégrée de la dépression"
  • "alcool, drogues et médicaments"
  • "Risque des nouveaux somnifères"
  • "Sexsomnies"
  • "Fatigue ou somnolence ?"
  • "Echelle d’Epworth"
  • "Retard de Phase"
  • "Impatience des jambes sans repos"


  • Portfolio

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    [1"Il n’empêche que le nombre de données suggérant les effets néfastes d’une privation de sommeil, sur le système immunitaire entre autres, ne cesse de croitre et qu’il faudra tôt ou tard s’interroger sur la place que l’on souhaite accorder au repos et au sommeil dans nos société industrielles où dormir est presque devenu un handicap."
    (Revue veille-sommeil Nov 2006 ; xavier.drouot@hmn.aphp.fr).
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